vendredi 11 août 2017

Las Vegas Parano Part 1 ou comment je me suis désintoxiquée des gommes transparentes qui sentent bon.

Design by Gerry the Cat
Aujourd'hui j'ai fait un truc un peu dingue et évidemment complètement interdit. Depuis quelques semaines je me dis que Fred me considère comme une petite bourgeoise coincée du cul. C'est peut-être pour ça qu'il alterne le calculage/décalculage. Je me suis dit qu'il fallait je fasse des trucs un peu plus rock-n-roll vu que lui je le vois se métamorphoser en punk/new-wave à vue d 'œil. A midi, Marie-Georges, ma copine qui écoute du hard rock et qui prend la Flèche d'Allauch avec moi m'a proposé d'aller à Las Vegas. Marie-Georges et moi on se connait depuis la sixième, on prend le bus ensemble tous les soirs jusqu'à ce que mort s'ensuive. Avant, on était comme les autres filles, on passait notre temps à la papeterie en face du lycée à s'acheter des figurines Panini pour nos albums Lovely Doll, des gommes transparentes qui sentent tellement bon que jamais de ta vie tu vas gommer
Gomme  qui sert à rien mais qui sent bon
avec et des étiquettes Little Twin Stars que l'on colle dans nos carnets Pierrot Love. On bavait aussi sur les pochettes ou encore mieux les valisettes dessinées par Gerry The Cat avec des séries de meufs maquillées hard-chinese, coupe sanglier et giga-noeud à la con dans les cheveux. Mais elles valaient au moins 100 francs alors laisse béton. On passait notre temps à fabriquer des scoubidous, il y a avait une nana complètement cinglée dans la classe qui en avait tressé un en couleurs pastels et qui le couchait entre deux kleenexs comme un bébé. C'était une vraie débauche de plumiers Marylin Monroe et de stylos Charlotte aux Fraises notre classe, je te jure, on était pathétiques. Moi, je faisais un peu gaffe, j'ai vite compris qu'avec les 35 balles d'argent de poche que mes parents me donnent par semaine je pouvais m'acheter des pizzas et des crêpes à la place des gommes qui sentent bon mais qu'on peut pas manger. On rigole pas trop dans la famille avec la bouffe, toute la famille du côté de mon père sont boulangers-pâtissiers comme pas mal d'italiens, je suppose. Mon grand-oncle a encore une pâtisserie-confiserie en face du Lycée Michelet qui s'appelle “le Petit Prince”, j'ai passé mes mercredis après-midis dans l'arrière boutique à me gaver de sablés trois trous à la confiture de myrtille. Il y a un miroir sur la porte pour mater ce qui se passe dans le magasin. Quand mon oncle récupère un gros billet de 100 ou 200 F, il le laisse pas dans la caisse, il le met derrière planqué, il a déjà été braqué, même que c
'est ma grand-mère qui a sorti le braqueur parce que c'était Noël et qu'elle en avait plein le cul de plier des marrons glacés dans du papier doré.



Bref, avec Marie-Georges on était bien sage, en trip Holly Hobbie et scoubidou, et puis ça lui pète, elle me dit laisse tomber la cantine on va à “Las”. Moi j'ai tout de suite pigé de quoi elle parlait, mais bon s'il y a bien un truc que mes parents m'ont interdit c'est d 'aller là bas. Comme je l'ai déjà dit, c'est un snack/ salle de jeu en bas de la Rue Guy Fabre. C'est surtout fréquenté par des grands du lycée ou des gens d'ailleurs, pas trop par des merdeuses qui collent des figurines Panini dans des cahiers Lovely Doll. Y a quelques mecs du collège qui y vont, mais ils essayent surtout de traîner à un autre snack le Well's Fargo, plus fréquenté par des jolies filles de secondes qui en ont rien à traire de leur misère sexuelle. Donc à midi, on s'escape en douce par la rue Guy Fabre et on va à “Las”. J'ai le ventre qui gargouille, Marie-Georges me sourit, rentre et fait la bise au patron direct, celui qu'on appelle “Le Baron”. Il a au moins quarante ans et pas l'air sympa du tout. Elle commande un Americano-jambon, je ne sais pas ce que c'est mais ça m'a pas l'air génial alors je prends un tournedos-frites avec un Indien. (orangina/grenadine). C'est terriblement enfumé à l'intérieur, je distingue les baby foots en enfilade, le juke-box sur la droite et au fond les flippers. Des nanas déposent leurs sacs Longchamp derrière le comptoir, on fait pareil. Y a une pancarte qui dit que le lieu est strictement interdit au moins de seize ans mais on se colle des Royale Menthol dans la bouche et on crapaute pas pour bien montrer qu'on est vieilles. Les mecs s'excitent à mort autour du baby, ils disent pas de gamelles, pas le droit de tirer des demis, je comprends rien. A gauche, il y a les flippers, à droite les jeux électroniques, on me dit que c'est des jeux d'Arcade. Moi, je sais juste jouer au pong avec Alice, c'est un ordi rouge qui ressemble pas mal à mon mange-disque. C'est marrant les jeux se chargent sur mon
http://www.obsolete-tears.com/matra-hachette-alice-machine-17.html

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magnétophone à cassette et la nana sur le mode d'emploi a l'air trop zen yoga, ça dit “Le Basic en Douceur” alors qu'en vrai ça fait trop chier mais mon père il veut qu'on l'apprenne mais ça nous emmerde avec ma soeur alors il nous court après avec son manuel de Basic et on fait pareil que quand ma grand-mère nous parle corse : on se casse en courant. Je m'approche du Juke Box, il y a des tas de 45T au mur. On en a plein à la maison et des pas trop mauvais, elle a des goûts jeunes ma mère. Elle nous a ramené Madness par exemple Night Boat To Cairo avant tout le monde. Ce qu'elle supporte pas c'est les chanteurs français qui font des reprises à trois francs, genre Ringo pour Video Killed The Radio Stars des Buggles lui il chante Dites moi qui est ce grand corbeau noir? Je n'ose y croire. Elle dit que Mireille Mathieu c'est une chèvre puissance douze qui massacre Woman In Love de Barbra Streisand. Elle supporte pas les versions non-originales ma mère, même pour Memory elle fait la difficile, elle dit que Elaine Page l'a crée en premier et que c'est sa version qui est la mieux pas celle de Barbra. Mon père sorti de Brassens, Bobby Lapointe ou Reggiani, il aime pas grand chose. Il a vu plein de monde à l'Alcazar quand il était jeune mais il dit que c'est tous des nazes, surtout Aznavour qu'il trouve sinistre,, ah si son exploit c'est d'avoir acheté l'album Melody Nelson par Gainsbourg avant tout le monde. Moi j'aime pas trop Gainsbourg, je le trouve dégueu, mais Melody Nelson c'est bonnard, surtout “Cargo Culte', je fais que la jouer sur la chaîne de ma mère, celle que je dois pas trop toucher parce que le saphir coûte un bras. On va poser nos vestes sur un flipper au fond de la salle. 




Putain bougez pas je reviens, j'entends un espion derrière la porte de ma chambre.

dimanche 6 août 2017

C'est ma vie, Une telle Honte ou la Théorie du Décalculage.





Fred, Fred, Fred, je n'ai plus que ce prénom à la bouche. Je le vois chaque jour et j'enregistre un peu plus de détails. Il s'est mis un ptit bonnet comme le chanteur de Talk Talk avec juste la mèche qui dépasse. J'aime bien Talk Talk même s'ils sont super vilains, aussi vilains que Tears for Fears. Il y a leurs pochettes de 45T punaisés au dessus du Juke Box à Las Vegas, une salle de jeux qui fait snack aussi en bas de la rue Guy Fabre. Je n'y suis jamais rentrée c'est totally verboten, je pense que si j'y mets un pied ma mère me force à porter un chignon jusqu'à la fin de mes jours. Je sais juste que le patron s'appelle le Baron et que les filles de Troisième qui y sont allées sont super fières parce qu'il leur a fait la bise. Moi aussi j'ai été super fière quand Dédé le chauffeur de la Flèche d'Allauch m' a fait la bise pour la première fois. Dédé, c'est le seul noir de tous les chauffeurs et il est cool, les autres ils font rien que nous engueuler.
Donc je suis toute exaltée, à table avec Fred on se lance des regards mortels, on appelle ça “calculer”, il m'a calculée, il m'a pas calculée. Le décalculage, ça c'est la grosse affaire. Ca marque mal quand on te calcule pas c'est la grosse honte, such a shame quoi. Moi Fred je le calcule à mort, mais Ariane (ma copine Flashdance qui met des guêtres jacquards par dessus ses collants rose fluo) m'a dit que ça marquait mal. Je vais encore m'énerver et écrire comme une rageuse mais je vois pas pourquoi nous les filles on devrait attendre comme des mozzu comme dit ma grand-mère de Lugu-Di-Nazza en Corse. Je crois que je suis crok' de Fredéric, ça y est mon petit cœur d'artichaut va à nouveau morfler. Quelquefois j'ai l'impression que mon coeur c'est comme un mini paquet de Kleenex avec les feuilles toutes serrées à l'intérieur et une fois qu'elles sont sorties c'est trop le bordel pour les faire rentrer à l'intérieur et l'attache en plastique elle saute tout le temps. MARC me recalcule depuis cette semaine, il doit savoir que j'organise une boum pour mon anif et sûrement qu'il doit gratter . Le 9 mars, j'aurais enfin quatorze ans. Et je vais y aller de ma boum moi aussi. En ce moment tout le monde en fait, Roland aussi il en fait une, il me drague comme un malade, il m'a filé sa gourmette mais j'avais déjà celle de mon pote Gabriel au poignet. J'aime trop le prénom Gabriel alors j'ai laissé tomber celle de Roland. On dirait qu'ils se donnent tous le mot pour me brancher alors que moi je suis à fond sur Fred qui bouge pas d'un centimètre. Je dois faire mon explication de français pour demain c'est un poème de Prévert “Le Désespoir est assis sur un banc”. Le mec qui vous appelle quand on passe ou simplement qui vous fait signe mais en vrai il faut se tailler sinon on est trop malheureux avec lui. Comme Fred en fait, il bouge pas plus qu'un mozzu, un bout de bois mort. Ou le chanteur de Talk Talk, qui remue à 2 cm à l'heure alors que la vie se déroule à cent à l heure en arrière-plan.
Trop pas mon humeur du moment.

jeudi 15 juin 2017

Mademoiselle Tête de Bois ou comment je n'ai pas été élue Miss OK.

Oh merde, je suis retombée sur mon ancien journal. Mwahaha mort de rire!  Il est super nunuche, on parlait de Sarah Kay la dernière fois mais rien que la couverture ça vaut son pesant de cacahuètes!
Dedans c'est mortel Je parle pas beaucoup de garçons parce que c'est gênant de l'écrire même maintenant mais c'est cet été là que ça a commencé les slows les bisous et tout le bordel.
(La Bande Son c'est ici)

C'était l'été du slow de PhD, en fait moi je comprenais rien en anglais à l'époque. Je fredonnais juste le refrain en disant “I wannu lai iou donne” mais je pigeais pas, je pensais que le mec il voulait larguer la fille et il lui disait et je pensais “Mais quel enfoiré!!”
En vrai, les paroles c'est pas du tout ça.

I won't let you down, no I won't let you down
I won't let you down, my love
Ca veut dire je VEUX PAS te quitter!

C'est le premier slow que j'ai dansé au bal de la Madrague de Gignac. C'est un slow un peu étrange. Pas vraiment un truc larmoyant avec des déluges de guitares ou des nappes de synthés genre “Hotel California” ou les 10 CC's avec “I'm not in love” (quel enfoiré le mec pour le coup là c'est vrai, je suis pas amoureux mais je te fure quand même, bonjour la mentalité )!. Le couplet pouvait presque se danser séparés, sur un rythme proche du reggae, on avait l'air un peu con, on savait pas trop quoi faire. Puis hop le refrain et alors là scotchage contre le partenaire. J'ai pas eu de bol, c'est un gros moche qui m'a invitée en premier, on l'appelait Olive, ça vous donne une idée du canon que c'était. Moi je craquais sur un autre, un petit brun qui répondait au doux nom de Sifflet, parce qu'il sifflait tout le temps avec les doigts dans la bouche, ça m'impressionnait vachement. C'était la mode des chaussures en plastiques, j'en avais des blanches nacrées que je portais avec une jupe vert d'eau d'inspiration indienne achétée au marché de Carry le Rouet. Je me trouvais très belle comme ça, je doutais de rien il y a deux ans! Enfin, je me suis trouvée belle jusqu'au jour, juste avant le bal d'ailleurs, où ma mère a eu la bonne idée de me couper la frange et me dégrader les cheveux pour faire une coupe “à la lionne” et là ça a été la fin.

Cet été-là à la Madrague de Gignac, je passais mes après-midis affalée dans la chambre d'hôtel d'Ingrid. C'était une copine de vacances, une allemande, brune aux yeux noirs et très bronzée, on aurait plutôt dit une italienne. Elle avait un succès terrible tous les garçons lui couraient après et Sifflet en particulier. J'etais verte, je la trouvais pas géniale, le seul truc c'est qu'elle avait presque quatorze ans, des seins et des fesses couverts de vergetures et qu'elle laissait les mecs y mettre les mains partout. Moi les vergetures je fantasmais dessus je trouvais que ça faisait dame, pour vous dire un peu mon niveau de connerie.

Maquillage du Soir et Coupe Sanglier.
Dans sa chambre on foutait rien à part se mettre du bleu sur les yeux avec les palettes Arcancil. Moi j'y comprenais rien quelle couleur il fallait mettre et où donc je dévorais des tonnes de magazines à la con genre Girls ou OK Podium et là ça t'expliquait tout : comment estomper les ombres à paupières avec un pinceau en poils de martre après l'application au truc en mousse que tu trouvais dans la boîte. Le rose et l'orangé, par exemple, fallait le dégrader jusqu'aux pommettes. Il y avait un maquillage comme ça, ca s'appelait “Le look Hard Chinese” à ne reproduire que dans des circonstances exceptionnelles précisait l'article. Il fallait bien faire la différence entre le maquillage de jour (crème teintée, poudre libre, un soupçon de mascara et de gloss) et le maquillage de soirée où l'on pouvait oser le triplé crayon contour des yeux, duo d'ombres à paupières à étirer avec le pinceau comme j'ai dit plus haut. Les filles ressemblaient toutes à Pia Zadora dans le clip avec Jermaine Jackson mais en moins mordorées plus colorées, au moins au niveau du maquillage et les cheveux en pétard, crêpés à mort. Les photos faisaient mal aux yeux, les fringues avaient des couleurs pas possible, les bandanas et les mitaines étaient fluos bien visibles dans la lumière noire. Ma mère nous avaient acheté la panoplie complète à moi et ma soeur, tu peux dire ce que tu veux mais elle nous a toujours fringuées up to date même si maintenant même pas en rêve elle me file ses conseils en relooking j'ai assez morflé comme ça avec la Coupe Sanglier. Elle y était cette putain de coupe dans Girls aussi, l'article disait qu'elle se remettait en place toute seule, à peine travaillée au gel avec les doigts. Et mon cul c'est du poulet?

Les Merveilleux Cadeaux de Miss OK
Le truc qui me fascinait aussi, c'était Miss OK et son élection. Il y avait un bulletin à remplir, “Deviens toi aussi la Miss Ok 1982!” et il y avait la tête de vainqueur de la nana de l'année d'avant avec tout le bordel adéquat : la mini-vague, le bandana vert-fluo, le maquillage jour/nuit et de grosses créoles pleines en plastique orange ou violet. Elle était entièrement relookée et couverte de cadeaux : en double page on lisait “Découvrez les merveilleux cadeaux de Miss Ok”. Ca allait du walkman à la palette de maquillage avec pleins d'étages différents et des ombres à paupières tant que tu veux. A l'époque, je rêvais d'avoir les yeux bleus des mannequins dans les pubs Rive Gauche de Saint Laurent. Je découpais leurs yeux lourdement fardés pour les coller de notre chambre en lambris au Cabanon, même que je m'étais faite ouvrir par ma mère. En plus Miss OK se faisait du fric, 30 f par jour pour mettre des créoles en plastoc c'était quand même bien payé.
Tête de Vainqueur.
Pour accéder au monde merveilleux de Miss Ok, il fallait remplir un bulletin et recueillir les signatures des amis attestant que l'on méritait d'être la fille la plus OK de l'année. Je l'ai souvent regardé ce bulletin mais rien que ça c'était glaçant. Tu te vois aller gratter l'amitié pour qu'on te signe que t'es une fille trop OK? Laisse béton.


On en discutait avec Ingrid, de ça, de la boum de Sifflet et du bal de la Redonne. Elle se baladait toute nue dans la chambre ou avec des culottes à raies genre Petit Bateau mais en pire. C'est les allemands ça, je suis allée dans un genre de piscine/ sauna l'été dernier à Mannheim toutes les meufs étaient à poil avec des Birkenstocks aux pieds, surtout les vieilles, ça m'a un peu dégoûtée. Elle se foutait du déodorant partout aussi, même là où je pense, ça m'a choquée, des marques allemandes au packaging pas terrible. Moi cette année je suis allée m'acheter toute seule ma première palette Arcancil (mordorée) et un déo Sintony au Prisu des Cinq Avenues. J'adore ce déo, il est tout petit, je le mets dans mon sac Longchamp. La pub Sintony c'est de la drogue dure, la fille ressemble pas mal à une Miss OK en mode maquillage de jour et donne une gifle à un garçon et sa main laisse une marque en forme de coeur sur la joue du gars. Mais c'est surtout la musique qui reste dans la tête, ils en ont même fait un 45 tours.

Geste moqueur,
Un Coup de Coeur
Sintony, Sintony
Dessus, dessous parfume partout
Sintony, Sintony
Mon arme, c'est un coup de charme.
Sourire câlin, geste coquin.
Une couleur pour chaque parfum!



Et la nana a le tee-shirt assorti à la couleur du déo!

Le seul truc, c'est que moi, je pensais que les gifles aux mecs, ça se collait en vrai dans la vie sans problèmes. A la boum de Sifflet, j'ai mis deux vrais taquets au gros Olive qui m'a roulé une pelle avec la langue sans prévenir. Enfin, si il m'a prévenue, il m'a dit “Est-ce que tu veux sortir avec moi?” . Moi, j'avais pas compris, je pensais que ça voulait dire aller au cinéma ensemble. Et j'ai repensé à cet épisode du primaire où un type m'avait demandé si je voulais lui “tailler la pipe” rien que pour voir si j'avais pigé et aussi à cette lettre dans le courrier des lectrices de OK magazine intitulée “C'est pas drôle de sortir avec un glaçon”, à cette pauvre fille qui se désespérait parce que c'était le motif de rupture de son petit ami. Tout à coup une espèce de fureur m'a saisie, je me suis dit que je m'en carrais des conseils en séduction de OK magazine, en gros se maquiller, se coiffer pendant des heures et attendre qu'un gros type vous fasse sa mayonnaise dans la bouche, je trouvais ça débile d'un coup. Je ne savais pas ce qu'on dirait de moi sans doute que j'étais folle comme d'habitude. C'est là que j'ai commencé à m'en foutre et depuis quand ça me reprend, je me dis qu'il peuvent tous se mettre un déo Sintony là où je pense et faire l'avion avec. Tout ce que j'ai gagné cet été là, c'est de me faire bannir de la Madrague de Gignac et lorsque Ingrid s'est barrée, j'avais même plus la chambre d'hôtel pour traîner sur les Ok magazine éparpillés sur le lit.



lundi 1 mai 2017

J'veux pas rentrer chez moi seule ou comment j'ai flairé l'arnaque de Sarah Kay et Pierrot Love.

Voilà ça y est!

J'ai mangé à la cantine toute la semaine, une semaine à base de Quenelles Roses Dégueulasses, de Frites Grasses A Éponger Au Kleenex, de Macédoine Rance et de Mac -Gerbal mais ça ne fait rien. J'étais à la table de Frédéric et pour la première fois on s'est vraiment regardé dans les yeux lui et moi. Il les a détournés immédiatement comme s'il avait peur. On a joué au chat et à la souris comme ça toute la semaine. Mardi, il m'a donné son Ménélik en disant qu'il n'aimait pas mais moi je sais qu'en réalité il adore. Il a fait ça sans me regarder et comme s'il ne me parlait pas mais j'ai pigé le subtil message. Çà m'a remuée et j'ai senti mon cœur qui accélérait.
Mais on s'était toujours pas adressé la parole, il a l'air un peu timide, un peu comme un enfant, je sais pas, je le trouve hyper-touchant. J'ai continué la communication sur le même mode, messages codés type je fais tourner la queue de ma pomme en récitant l'alphabet jusqu'à qu'elle casse et comme par hasard, ça tombe sur le F. Jeudi, attention grand frisson j'ai lancé une série de blagues débiles même pas dignes d'un papier de Carambar et il m'a écouté attentivement avant d'éclater de rire .
Vendredi, je l'ai testé grandeur nature. Comme c'est un peu le chef de la table, il est assis en bout et il se sert en premier (même s'il me sert toujours juste après). J'ai pris sa place alors juste pour voir, il m'a dit de m'en aller mais tout doucement alors comme je suis pas la dernière des connes, je lui ai lancé mon regard suppliant de victime numéro 18. Il a accepté presque sans broncher et est allé s'asseoir contre le mur avec la peinture qui s'écaille, c'est là où on est le plus mal servi. Franchement, c'est la première fois que je faisais un truc pareil et j'étais assez fière.
Ce matin, j'ai découvert mon prénom gravé sur une table entouré de cœurs. Mon coeur a raté un battement, c'est vrai je l'ai senti comme dans cette chanson des Pet Shop Boys.
My heart starts missing a beat
My heart starts missing a beat
every time
Oh oh oh, every time
Jamais depuis mon flirt avec Jean (celui qui me faisait les devoirs de latin) un truc pareil ne m'était arrivé.
J'en ai parlé à Ariane, elle était verte. Çà fait cinq mois que les mecs nous ont mis en quarantaine, depuis que Marc a cassé pour moi et elle, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce qu'elle est ma copine, ça doit être contagieux . C'est une super bonne danseuse, elle fait du Modern Jazz depuis 100 ans. La choré de Flashdance, c'est les doigts dans le nez pour elle. On est toutes à fond sur Flashdance, on a toutes acheté des guêtres de danseuse qu'on met par dessus les collants pour faire style on sort du cours de danse et on va passer une audition mais en vrai on fait pitié. On a beau s'agiter, transpirer avec les cheveux partout, on est des quiches, enfin moi surtout. J'ai bien essayé la danse classique quand j'avais 10 ans avec une Madame Longuépée, je te jure ça s'invente pas, mais rien que le chignon je supportais pas, avec les crochets qui rentraient bien dans le crâne. Les crochets c'est une obsession de ma mère, je déteste, déjà j'ai horreur qu'on me touche les cheveux. Pour faire un chignon, c'était juste un enfer, elle filait des coups de brosse violentissimes, puis elle faisait une queue de cheval super haut sur le crâne, rien que ça, c'était la mort lente, puis les crochets qui raclaient bien le cuir chevelu pour m'achever. Je me sentais saigner des tifs. J'ai tenu un trimestre avec le chignon, le cache-coeur et les collants chair : demi-pointe, pointe, demi-pointe, talon, fermé, demi-plié, tendu puis j'ai dit fuck. Maintenant je me contente de copier les chorés de Flashdance ou de Footloose et je mets des guêtres vertes par dessus mon collant rose. En fait, j'ai trop envie d'être la Ptite Lady de Vivien Savage dans ma tête, avec les collants pink fluo et un chapeau à voilette sur la tête mais hors de question que je me barre avec un mec à Perfecto et mèche blonde sur les yeux, je reste juste là coincée sur les quais du Métro La Rose ou Cinq Avenues où je fume des Royale Menthol pour me la jouer.

Après la cantine donc, je suis montée dans les étages du Bâtiment Central avec Anne-Lise comme d'hab, c'est le bâtiment qui est complètement Zone Interdite par Saporella mais en fait il y a des toilettes trop chouettes, des toilettes de filles qui ferment, des vraies toilettes pas à la turque, avec des miroirs, du papier et des poubelles. Frédéric nous a vues passer, il était au premier avec ses potes, les toilettes sont au deuxième. Un de ses copain a dit “La voilà.”Il m'a suivie et depuis il me suit tous les midis dans les étages.
Sarah Kay : Bien Sage!
C'est dingue, j'arrive toujours pas à me dire que ce mec a un crush pour moi. J'essaye d'en savoir un peu plus sur lui mais c'est pas évident sans attirer l'attention. Je suis allée faucher la feuille d'appel des 4e 6, juste pour vérifier sa date de naissance et j'ai vu qu'il avait un an de retard. C'est pas un intello donc et d'habitude les pas-intellos ils me jettent plutôt des pierres, en tout cas c'était comme ça en CM2. J'avais que des doublants dans ma classe, personne ne me parlait sauf pour me faire chier ou me tendre des embuscades à la sortie parce que je faisais que lire (quoi faire d'autre quand personne ne vous calcule à la récré), que j'étais Prix d'Excellence (c'était pas dur, ils étaient tous nuls) et que j'avais déjà écrit ma première pièce qu'on a joué pour mon anniversaire. (avec ma grand-mère et ma grand-tante parce que pas d'amis).
Pierrot Love Starter Kit! 
Dans mon carnet de poésie Pierrot Love, j'ai écrit un poème sur ses yeux pers. Je l'ai écrit dans la partie qui a les pages vertes à tranche argentée. Je me suis fâchée avec Marie-Angélique (une copine qui prend la Flèche d'Allauch avec moi) qui dit que j'ai copié le poème du bouquin de Français d'un mec qui écrit sur les yeux de sa nana qui s'appelle Elsa ou un truc comme ça, avec des noyés et des désespérés. Je reconnais que j'ai un peu pompé mais peut être que si je le traduis en anglais ça passera mieux et puis lui ça m'étonnerait qu'il s'en aperçoive. J'en ai marre, on fait que nous offrir des journaux intimes avec des cadenas à la con qui servent à rien, Pierrot Love ou Sarah Kay, il y a des tonnes de pages à remplir et ben merde moi je les remplis, même si c'est qu'avec des conneries. D'abord, moi je reçois jamais de poèmes, personne ne m'en envoie alors je vois pas pourquoi je me priverais d'en écrire. Je sais pas si c'est une très bonne tactique pour draguer les garçons, en fait d'écrire pour eux pour qu'ils vous trouvent plus belles qu'en réalité. Pour l'instant, j'ai rien montré à personne, y a quelques mecs de ma classe qui me voient avec mon cahier Pier Import. Je pense qu'ils ont décidé que j'étais irrécupérable, ils peuvent crever pour que je leur montre le début de la queue de ce que je gribouille. C'est fini le CM2, maintenant plus personne ne va m'emmerder et si je veux écrire à un mec pour dire qu'il a de beaux yeux ben je le fais .
A la récré de 16h , Denis est venu pour monter la cabane, en gros pour savoir si je voulais sortir avec Fred. J'aime pas trop ce type, sous prétexte qu'il a un Dax, un Chabrand et une belle gueule, il se croit tout permis. Il en a profité pour me peloter mais je me suis dégagée et je me suis retenue de lui envoyer mon pied dans les couilles. Ce que ça peut être nul d'être une fille parfois! En gros on n'a que le droit de fermer sa gueule sinon on se fait ignorer de Balzac et on finit seules comme des merdes. Donc Denis a viré ses bras de mon cou, m'a dit “Faut que je te parle” et m'a entraînée dans la Cour d'Honneur, là où on se planque pour fumer et furer. Frédéric qui était à côté a dit “N'écoute pas ce qu'il a te dire!” . Denis m'a lâchée et s'est barré avec ses potes.
Çà m'a rappelé un épisode, l'année dernière, un bon copain de 5e 2 (les Soviétiques), m'a tenue un quart d'heure dans la Cour d'Honneur pour soi-disant me parler d'un truc important mais au final ne m'a rien dit. Je me dis peut-être qu'en vrai ils sont autant morts de trouille que nous, peut-être que pour eux c'est pire, ils ont la pression mais à l'envers. Peut-être qu'ils échafaudent des plans sans fin qu'ils n'osent pas mettre en application. Peut-être qu'ils voient les filles passer, les mecs défiler, en spectateurs, devenant chaque jour un peu plus un ami et un peu moins un amoureux. Peut-être que c'est à nous d'aller les chercher. Peut-être qu'il aiment perdre après tout. Peut-être que ce sont eux les vraies filles. Peut-être que c'est pour ça qu'ils meurent en premier à force de se taire et de pas savoir quoi dire.

Bordel! J'ai m'impression d'être dans cette chanson de Regrets avec la chanteuse complètement jetée, Agathe. (tiens elle a un chignon elle, faut que je lui demande sa technique). J'en ai marre d'être une gentille fille Sarah Kay qui rêve de devenir instit' et de se marier avec un garçon bien nice qui lui offre des fleurs en rougissant, bien sage comme me disait ma grand-mère quand j'avais fini mon assiette. C'est terriblement ennuyeux d'être bien sage, d'attendre qu'on m'invite à danser ou à furer dans la Cour d'Honneur.

PLUS JAMAIS BIEN SAGE !!!

(note de la blogueuse : furer : rouler des pelles en parler marseillais). 





C'est intelligent, j'ai envie d'tuer 
De ram'ner le corps d'un garçon joli 
Pour le tenir blotti ce soir dans mon lit, non… 

J'veux pas rentrer 
J'veux par rentrer chez moi 
J'veux par rentrer chez moi seul

lundi 17 avril 2017

Histoire de l'Oeil ou comment j'ai compris qui était le mec de la perm aux yeux pers.

Ouf je reprends ...
Je suis descendue du 11 à l'arrêt qui se trouve juste devant chez moi. J'ai vu à nouveau ce couple d'aveugles, un homme et une femme, ils ont peut être vingt-cinq ans mais je sais pas leur donner d'âge. Ils ont des cannes blanches tous les deux. Lui en fait est juste malvoyant puisqu'il la guide, son iris part dans le mauvais sens, . Elle a des lunettes fumées et on dirait que ses yeux sont enfoncés dans leurs orbites. Lui il peut même lire mais il est obligé d'approcher la fiche horaire de la Flèche d'Allauch très près de des yeux. Je sais pas pourquoi ils me fascinent autant. C'est la façon dont ils peuvent compter l'un sur l'autre je crois, ou leurs yeux qui ne servent plus à rien. Peut-être parce qu'ils font le même trajet que moi, bus-métro assez souvent pour que je les croise.
Je suis rentrée à la maison mais je suis vite ressortie pour me caler près du puit de notre jardin. Comme ça, je peux fumer ma Royale Menthol tranquille, c'est une longue, un 100's que j'ai piquée dans le paquet de ma mère. J'ai appris la semaine dernière à aspirer la fumée, à ne plus crapauter parce que ça fout la honte, à la faire rentrer dans mes poumons et la recracher. Comme ça les Grands se foutent plus de moi. Je dis “les Grands” c'est juste les mecs de Troisième qui ont redoublé, ceux qui fument planqués dans la Cour d'Honneur pour faire croire qu'ils sont en seconde qui friment parce qu'ils ont des Daxs ou des
Chapis   des mèches sur le côté. En vrai c'est juste des mecs normaux mais en plus cons et plus frimeurs, ils ont les mêmes Chabrands, Burlington et Wayfarer que les autres en fait.   Mais ils se prennent un peu pour des coqs  à la Tom Cruise dans Risky Business et nous les filles on fait partie de leur basse-cour .
 Je suis donc là, calée la tête appuyée contre le crépi rose du puits et je me concentre sur ma Royale Menthol. C'est bon, c'est frais, même si ça fait tourner la tête, je repars dans les yeux des Sylvidres, mon journal contre moi, les roses trémières se mêlent à mes cheveux. Je repense à ce territoire infini que j'ai aperçu. J'ai des jungles dans la tête depuis longtemps, depuis que ma mère m'a prêtée sa boîte de pastels pour je ne sais plus quel dessin naze où j'ai du avoir un note de merde encore. (mon prof de dessin c'est un authentique connard qui humilie bien les élèves mais un des ces quatre je vais soigner son portrait ). Je me suis éclatée avec cette boîte, même si je ne sais pas colorier comme vous le savez. Je me suis mise à traquer la moindre nervure de feuille de ficus dans les pots de terre de la véranda et Dieu sait que j'en avais rien à foutre des plantes auparavant, pour me perdre dedans et me retrouver dans le territoire de l'Inini. Je sais pas ce qu'il m'a pris, c'est devenu une obsession de dessiner ces jungles, peut être que j'ai dans la tête un endroit en bas de mon village en Corse. Ça
le Trou du Diable
s'appelle le Trou du Diable, là bas on dit on va se baigner “au fleuve”, on y voit des cascades blanches se jeter dans des vasques d'eau noire, tout y est incroyablement vert et je me dis que ça doit ressembler à ça l'Orénoque ou l'Amazone. C'est un endroit dangereux, des gens y sont morts, des jeunes emportés par une crue mais c'est tellement beau et sauvage . Je repense aussi à Raymond Maufrais dont mon père me faisait lire le journal quand j'étais petite. Ça me fascinait ce type parti seul sur la piste de mystérieux Indiens blonds, englué dans les jungles de Guyane délirant de faim pour finalement se jeter à bout de force dans les remous de la rivière Mata et y disparaître en laissant son carnet de notes derrière lui. Je repense à tout ça et je pense à cette chanson d'Yves Simon  Amazoniaque, c'est un peu idiot, je n'aime  pas trop les chansons françaises mais pour le coup les paroles sont magiques.


Mes nuits d'insomnie j'me perds dans les forêts d'Amazonie 
Dans tes ch'veux, tes bras qui m'enserrent, c'est bien là que j'me perds 
Les indiens d'Amazonie attrapent au cœur des maladies 
Contagion express envoyée par courrier civilisé 


ma jungle au pastel
Je sais donc où j'ai vu ce mec avec ses yeux de Sylvidre. En fait c'est pas du tout au fin fond de l'Amazonie mais au fin fond de la cave qui nous sert de cantine, au réfectoire quoi. J'explique en début d'année on a réparti les tables selon les classes, moi je suis en 4e 1 donc ben j'aurais du être avec les gars de ma classe sauf que mon nom commence par un R, donc fin de l'alphabet égale malédiction, y avait plus de place et je me suis retrouvée exilée à la table des 4e6. Comme ça, ça l'air de rien mais en fait c'est un truc hyper important, nous les 4e1 je l'ai dit on est une classe CAMIF, bilingue allemand avec latin machin donc  on est considéré comme des gros lèches dans ce bahut. Mes parents ont du faire des pieds et des mains pour m'y faire rentrer, il fallait une dérogation. Les 4e2 ils ont Russe en première langue donc c'est des phénomènes aussi, avec des parents encore plus profs que les nôtres qui votent tous PCF et qui pleurent sur la trahison de Mitterrand, les 4e3 c'est allemand mais pas bilingue. Donc en gros de 1 à 3 t'es un intello et de 4 à 6 t'es dans la dead zone avec les zombies et les loup-garous! Tout ça pour vous dire que me retrouver à la table des 4e6 c'était pas innocent et que je faisais pas la maligne de peur de me faire tirer les tresses et traiter de boudin même si je suis plus une victime comme en CM2. Et à ma table, il est là ce mec aux yeux verts et à la peau très blanche, un mec de 4e6 donc. Au début de l'année, je le regardais même pas, il me faisait peur et puis il était super mal fringué, un jean neige horrible des trucs de chez Harry Landers trop moches. Là il a coupé ses cheveux, il s'est acheté des Creepers et un pardessus maxi fendu jusqu'aux fesses. Il ressemble à Norman. Comme ça et avec ses yeux verts un peu comme ceux de David Bowie, même si Dave est incomparable, il est vraiment craquant. Il a les yeux pers, j'ai appris ça quand ma mère me parlait de l'Odyssée, Athénée aux yeux pers, Athéna Nikè, la déesse aux yeux verts. (une fois la mère de mon amie Bérénice est entrée dans un magasin en demandant des Nikè pour sa fille ça nous a fait mourir de rire mais Nikè c'est la victoire, c'est ça d'avoir des mères qui ont fait du grec.)
En fait en fouillant un peu, j'ai découvert que ce mec s'appelle Frédéric. En vrai, on se connaît pas, on se fait pas la bise ni rien. Mais là, j'avoue que son regard pers m'a troublée, qu'est-ce-qu'il veut ? Est-ce qu'il serait possible qu'il veuille sortir avec moi?  Est-ce qu'enfin je pourrais connaître un deuxième rêve tout aussi beau que le premier ?

Il faut que je découvre ça au plus vite, j'ai hâte. Je retourne dans ma chambre pour mettre
le 45T d'Alan Parson's Project dans mon mange disque PEPITO.

I am the eye in the sky
Je suis l'oeil dans le ciel
Looking at you
Qui te regarde
I can read your mind
Je peux lire tes pensées
I am the maker of rules
C'est moi qui établit les règles
Dealing with fools
Qui manie les imbéciles
I can cheat you blind
Je peux tricher tu n'y verras que du feu
And I don't need to see any more
Et je n'ai plus besoin de disposer de la vue
To know that
Pour savoir cela
I can read your mind, I can read your mind
Je peux lire tes pensées, je peux lire tes pensées


lundi 10 avril 2017

Les Yeux Sans Visage ou comment je suis passée par la fenêtre en vert et contre toute attente. (Against All Odds)




J'écris de la permanence où j'ai été séquestrée par le principal adjoint Saporella, qu' Hydargos le maudisse! Ce mec c'est Pinochet ascendant Thatcher, le geôlier du collège. Si t'as le malheur de le croiser dans le couloir en dehors des heures de cours avec son manteau marron-caca, t'es sûr que t'es archi-mort avec personne pour même venir oser cracher sur ta tombe. Il te chope je te jure que tu prends perpète de permanence sans espoir qu'Amnesty International fasse signer une pétition. En gros, t'es prisonnier des geôles fascistes pire qu'Abel Chemoul.

Bon après, on a été séquestré parce qu'on a un peu déconné, j'avoue. Enfin moi j'y suis quasiment pour rien ou presque. Vous vous souvenez de la salle d'Histoire Géo, celle où j'ai chialé toutes les larmes de mes treize ans quand Marc a cassé? Bin une de ses fenêtres est située au dessus d' un escalier qui mène au préau de la cour des bâtiments Louis Grobet . ( Notre bahut c'est super compliqué en gros l'entrée du collège se fait par la rue Louis Grobet d'où le nom des bâtiments tandis que l'entrée du lycée se fait par la rue Guy Fabre, le seul truc que vous devez comprendre c'est qu'on se fait défoncer quand on est dans les bâtiments du lycée ou quand on essaye de s'échapper par la rue Guy Fabre pour aller s'acheter une pizza à dix heures, toujours par Saporella et ses sbires, de toutes façons, on se fait dynamiter quatre-vingt dix neuf pour cent du temps rien que respirer c'est dangereux dans ce bahut de merde).

Bref, inutile de vous dire que c'est pas très compliqué de se hisser sur le rebord de ladite fenêtre, on peut même s'y caler si on est pas trop nombreux et on s'en prive pas pour être un peu tranquille après la cantine sauf que of course c'est méga-verboten. Aujourd'hui il pleuvait, alors on s'est serré à mort pour s'abriter, d'habitude on est cinq-six maxi, là on était au moins le double, assis les uns sur les autres et évidemment c'est parti en laïve, ça a commencé à se pousser, il y a eu deux-trois baffes échangées et à un moment ben à force de se pousser et de se mettre des taquets, je sais pas comment c'est arrivé, on a dû appuyer comme des barjots sur la vitre et elle a cédé, en gros elle a explosé sous le poids et moi qui était dessous le moulon ben je suis passée à travers et j'ai atterri de l'autre côté dans la salle, contre la grille du radiateur. Tout le monde gueulait, c'était un bordel pas possible et puis ceux qui étaient au dessus du tas ont commencé à se barrer en courant. Ceux du dessous, ou ceux qui avaient un brin d'humanité sont restés pour voir comment j'allais mais moi j'étais ni mutilée ni rien, ma première réaction ça a été de hurler de rire en fait et c'est là que Saporella nous est tombé dessus. Il est arrivé en mode iroquois,  il a surgi de nulle part, le mec a une technique trop sournoise, on l'entend jamais arriver du coup gros coup de filet et BIM  tous en permanence jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Réflexe numéro un, bien que l'infâme Saporella nous ait filé un devoir a faire, j'ouvre mon journal, comme à chaque fois que je m'ennuie. J'ai commencé à traduire les paroles d'une chanson de Billy Idol, un peu ballade, pour une fois qu'il est pas en mode punk à clous trop énervé avec son sneer, son truc avec la lèvre de travers là.
La chanson c'est Eyes Without A Face, c'est le titre un vieux film français aussi je l'ai vu au Cinéma de Minuit avec le générique plein d'yeux de stars du cinéma justement mais à mon avis Billy Idol il doit pas le savoir, c'est pour ça que le refrain de la chanson est en français : Les Yeux Sans Visage, enfin c'est ce que j'imagine.


I spend so much time
Believing all the lies
To keep the dream alive
Now it makes me sad
It makes me mad at truth
For loving what was you


J'ai passé tant de temps/
A croire tous ces mensonges/
A garder ce rêve vivant/
Maintenant ça me rend triste/
Ça me met en colère contre la vérité/
D'avoir aimé ce que tu as été.


C'est fou comme encore les paroles me parlent de Marc et d'un coup d'un seul je comprends que c'est fini que je suis encore triste et en colère mais que je ne l'aime plus et que même à la rigueur je me demande ce qui m'a pris. Après tout comme le dit David, qui sait s'il m'a jamais aimée? Tout ça pour un Take Care Rio écrit au Ball Pentel sous la pluie. C'est Billy Idol qui a raison, ça rend barge la vérité.



Je finis mes traductions de paroles et je me mets à dessiner des yeux. J'ai commencé en sixième je crois et je ne me suis plus jamais arrêtée. Ca m' a pris à cause d'Albator, le dessin animé. Ses ennemies ce sont les Sylvidres avec leur reine Sylvidra et en gros elles veulent envahir la terre. Ce ne sont pas des vraies femmes en fait ce sont des plantes mais elles ressemblent à des sirènes ou des nymphes, elles ont de longs cheveux et des yeux pas possibles avec des cils de dix kilomètres. Elles ont la peau blanche comme Isabelle Adjani et quand elles meurent elles poussent un cri strident qui fait très peur et elles brûlent dans une flamme verte vu que c'est des plantes à la chlorophylle, sauf leur reine Sylvidra, elle se bat contre Albator et on s'aperçoit qu'elle saigne rouge et qu'il y a une embrouille mais ça c'est à la fin. Donc moi , au début je voulais dessiner des Sylvidres en entier mais c'était très nul, j'ai fini par ne plus  faire que les yeux et les maquiller à mort.

Les dessins animés japonais de chez Dorothée, c'était  un champ de bataille à la maison. Au primaire, tout le monde matait Goldorak avec ses astéro-haches pour niquer la gueule au Golgoth 13 de l'infâme Hydargos mais nous on avait pas le droit, mes parents trouvaient que c'était débile. Mon
HYDARGOS

père m'a expliqué que la qualité n'avait rien à voir avec les Disneys qui filment trente-six dessins à la seconde, que les trucs japonais c'est vraiment cheap . Il a réalisé un dessin animé mon père, il y a longtemps avec les personnages des Shadoks. Il a des bouquins qui en parlent, avec les techniques de réalisation etc... C'est sûrement vrai tout ce qu'il dit et même s'il me laisse regarder les Tex Averys à la Dernière Séance, moi j'aime bien voir Candy qui court avec le décor qui bouge pas derrière. Candy j’étais méga-fan aussi, elle est trop forte, tous les mecs se l'arrachent et pas les plus moches, le Prince de la Colline, Anthony, Terry Grandchester (mon préféré, c'est trop un bad boy). Candy c'est l'équivalent d'Angélique, elle se laisse jamais abattre même quand on la fait chier genre Elisa et Daniel avec leurs yeux rouges. Je me rappelle au primaire, le jour où Anthony est tombé de cheval, moi j'avais raté l'épisode et tout le monde est arrivé en disant “Anthony est mort “ et j'ai maudit mes parents. En rentrant, je me suis jetée sur la télé pour tomber sur Dorothée qui expliquait qu'Anthony était pas mort finalement, juste blessé et je me suis dit que ça puait l'arnaque. J'ai su la vérité un peu plus tard lorsque mon père m'a fait lire un article de Télérama qui expliquait que le standard d'Antenne 2 avait explosé et que du coup ils avaient été obligé de changer le doublage en catastrophe et faire croire à une blessure, je me rappelle ça disait “Et Anthony, enterré au Japon soigne toujours ses côtes cassées en France”. Ça m'a fait rire et je me suis dit que mon père avait raison c'était quand même un peu de la merde. J'ai été moins accro à Albator mais les Sylvidres elles m 'ont sciée et j'ai commencé à dessiner leur yeux verts sans m'arrêter. (note de la blogueuse : impossible de trouver une version française de la mort d'Anthony, puisque censurée au pays de Dorothée donc bah la muerte de Antoni, ça me paraît explicite)



J'écris du bus maintenant, le 11, “La Flèche d'Allauch'” comme on la surnomme.

J'en étais là donc à dessiner des yeux sans visage, comme dans la chanson de Billy et j'ai senti quelque chose glisser sur mes cheveux et en même temps j'ai entendu un chuchotement à mon oreille comme un soupir de Sylvidre ou peut être que c'était l'oeil-chorophylle dans lequel je m'étais un peu perdue, j'en sais rien mais il s'est passé un truc pas net et j'ai levé la tête.
Et puis j'ai vu ce regard au dessus de moi. Deux yeux verts, les mêmes que ceux de la chanson de David “Cat People” vous vous souvenez? Des yeux plus froids que la lune, j'ai cru que Sylvidra m'avait captée et qu'elle allait me balancer à Saporella, lui cafter que j'étais en train de dessiner les plans d'évasion genre Edmond Dantes au Château d'IF.

Au bout d'un moment, je suis revenue à moi dans la permanence et j'ai compris que c'était pas du tout une Sylvidre qui me matait mais un mec de Quatrième qui me disait vaguement quelque chose. Au moment où je l'ai regardé, il a détourné les yeux aussi sec et je me suis demandée si je n'avais pas rêvé.

Putain je SAIS où j'ai vu ce mec! 



Merde, le bus démarre, galère d'écrire, je reprends plus tard.















dimanche 2 avril 2017

J 'attrape un garçon de papier mais les choses ne changent pas vraiment ou comment j'ai maté les fesses de David Bowie.




Je ne sais pas si je vous ai parlé de mon secret. J'ai un secret comme toutes les filles mais pas un secret en bois que je répète qu'à ma meilleure amie qui va me jurer que ça sortira pas des Bouches du Rhône, non un vrai secret dont je n'ai parlé à personne. Je parle à David Bowie et il me répond! Je sais pas si je vous ai dit que c'était mon idole? Quand j'étais petite en 6e ou en CM2, j'avais pas d'idole. Quand j'allais en boum ( c'était pas des vraies boums, il y avait que des filles), je disais que je n'aimais pas la musique moderne, je racontais que je n'écoutais que le Lac des Cygnes, le 33 tours Deutsche Gramophon que mes parents m'avaient offert. En fait, ça vient de encore plus loin, plus petite encore, j'avais un de mange-disques orange marqué PEPITO où je faisais jouer mes quarante-cinq tours préférés, des contes dit par des mecs que tu vois jamais à la télé Claude Dauphin, François Périer et Christiane Minazzoli, je me souviens. Mon préféré était celui du Vilain Petit Canard parce que c'était trop moi, trop petite, trop maigre (bon les RAIDERS sont passés par là et c'est plus le cas) et très maladroite. Je vous passe l'histoire mais Le Vilain Petit Canard, à la fin il croit qu'il va mourir et que les cygnes vont le tuer parce qu'il est trop moche mais en vrai lui il est devenu un super beau cygne tout blanc et il se barre avec ses potes cygnes et il emmerde tous les jaloux qui ont passé leur vie à le faire chier. Tout ça sur le final du Lac des Cygnes, ça allait crescendo,  et moi je chavirais :  d'abord les yeux humides, le coeur dans la gorge et pour finir les sanglots parce que je comprenais juste que c'était une histoire triste à mourir de bébé canard rejeté par sa maman et c'était trop triste.
Bon, j'ai changé depuis et j'ai découvert David Bowie, toute seule, comme une grande. Il est entré dans ma vie comme une tornade blonde. Je crois que la première chose dont je me souviens c'est son clip de “Ashes to Ashes”, je sais pas comment je me suis débrouillée pour le voir parce que c'est le genre de truc qui passe qu'aux “Enfants du Rock” le samedi soir après Drucker, donc il faut un peu galérer et gratter les parents pour pouvoir mater l'émission. Les miens ils étaient intraitables jusqu'à l'année dernière, là ça va mieux mais bon c'est toujours un peu tendu.
Je pense que le clip m'a fait un peu flipper la première fois que je l'ai vu. Quand il était pas en clown, il était en Major Tom dans une cellule capitonnée et il faisait super peur avec ses regards caméra, et il avait l'air si dingue je me suis dit, voilà ce mec c'est moi, il est à sa place nulle part et c'est pour ça qu'on le voit partout. Ma chambre s'est couverte de ses posters que je trouve dans “Salut” et “Rock et Folk”. Mon préféré est situé au dessus de ma collection de BD, il a une attitude pensive, on dirait un peu une statue, il a ses longs doigts repliés, sa mèche sur le côté et une chemise à raies. Son oeil vert me scrute je le trouve terrifiant et fascinant la fois. J'attends qu'il se décide, c'est toujours lui qui commence. Je mets le 33T de “Let's Dance” sur ma chaîne et les premières mesures de “Modern Love”, cette chanson géniale se font entendre.


I catch a paper boy
But things don't really change
I'm standing in the wind
But I never wave bye-bye


But I try
I try


Are you sure you're trying hard enough little girl?” 'Tu es sûre que tu essayes assez Petite Fille?"


Sa voix grave et caressante est sortie de je ne sais où. Son sourire est toujours aussi mystérieux mais je vois ses yeux si différents l'un de l'autre s'allumer d'un lueur moqueuse. Il sait que dès que j'ai le coeur gros, ce sont ses disques que j'écoute. Il n'est jamais très chaleureux mais le seul fait qu'il me parle entre toutes les filles et les garçons qui le vénèrent sur terre (c'est rigolo j'ai appris qu'en latin, vénérer et cultiver c'est le même verbe ), ça me suffit. David, je l'aime et je le cultive. Le seul truc qui me dépouille c'est qu'il a presque l'âge de ma mère . J'aurais trop aimé être une de ses proches ou être lui.
Extrait du Clip censuré par MTV!
China girl commence, cette chanson devrait me pomper l'air depuis longtemps mais non! Je me suis planquée pour voir le clip censuré où on voit ses fesses, la promo qu'ils avaient fait pour l'émission 22 Vlà le rock  !  (sur TF1). Le cul de Bowie pire que la bombe H celle qui va tout destroy même que c'est à cause de ça que les punks ils disent No Future toutes les trente secondes. Je confirme j’ai vu ses fesses et c'était de la bombe, je sais pas vraiment ce que c'est que faire l'amour ni comment ça peut se passer (enfin techniquement si mais bon c’est un peu hard à imaginer) mais moi je sais que j'aimerais trop que ça  ressemble à ça sur une plage au coucher du soleil avec les vagues autour même si c'est sûr le sable ça rentre sûrement dans les fesses et que le sel ça gratte. Et avec un mec du genre David Bowie même si dans la réalité j'aime pas trop les blonds j'ai un gros faible pour les petits bruns aux yeux noirs qui pétillent genre vous-savez-qui mais jusqu'à présent ça a été plutôt la cata.
J'ouvre la fenêtre, il pleut. Je sors le déo Narta et une Royale Menthol que j'allume.
Are you OK, little girl?” “Tu vas bien Petite Fille?
Just feeling a little blue, as usual.” “J’ai le blues comme d’hab.”
Oh no, don't tell me it's about that Marc asshole again! What the hell, girl, do you think he is THAT important? Was he even in love with you? I mean like ever?” “Ne me dis pas que c’est encore ce connard de Marc, mais il est si important? Est-ce qu’il t’a jamais aimée?”
I don't know Dave, he dumped me for some no-bra-slut that's all I know and now he's been seeing that clueless blonde who doesn't know a thing.” “Je sais pas il m’a larguée pour une salope sans soutif et maintenant il voit cette blonde trop conne
Come on, this was months ago, you should be over him by now.” “Mais c’était il y a des mois, faut passer à autre chose!”
Il est marrant lui et  ses yeux noirs, son Kway vert pomme, sa dent de requin et sa lettre pleine de fautes, j’en fais quoi moi? Je veux pas le vexer, je lui dis oui.
Je vais traduire la suite en français.
Dis donc , j'suis  partout dans ta chambre.”
Oui, j'en ai trouvé un dernier dans Girls, j'en ai quinze en tout de posters. Ne regarde pas celui sur la porte, ma soeur a écrit Bowie = homo et l'a déchiré. On s'est battues à cause de ça. Je suis désolée. Et puis elle m’avait fait croire qu’elle avait enregistré du Kim Wilde sur ta cassette de  Scary Monsters.”
Je suis pas homo, je suis bi.”
Oui, je sais mais ici les gens ne font pas la différence et on me dit des tas de trucs au collège à cause de ça mais moi je m'en fous.”
C'est quoi ce cahier ? On dirait un truc chinois.”
C'est mon journal, je l'ai acheté en Allemagne, j'ai pensé à China Girl quand je l'ai vu.”
C'est pas un truc pour publier”
Non, t'inquiète. C'est juste pour moi et pour la Vieille Isabelle , celle qui me lira dans longtemps. Et puis je suis pas assez douée pour çà.”
OK. Tes cheveux ont repoussé; c'est fini la Coupe Sanglier?
Ouf, oui ça a repoussé j'irai plus jamais  chez le coiffeur  c'est que des connasses qui veulent te faire des mini-vagues nulles.”
Ca le fait rire
“Je voudrais juste que tu m’emmènes Dave que tu m’emmènes loin de tout ça.  Regarde c’est pas pour moi personne comprend l’anglais pour se procurer de la bonne musique c'est la galère et il pleut une fois par an. Comment tu veux faire?”
“Je ne sais pas. Si déjà tu pouvais éviter de t’accrocher à des gens qui ne t’aiment pas ça serait déjà bien.”


Voilà “Putting Out fire”passe c’est une de mes préférées également. Dave claque des doigts et commence à faire du playback sur les paroles.


See these eyes so green
I can stare for a thousand years
Colder than the moon
It's been so long
And I've been putting out fire
With gasoline


Feel my blood enraged
It's just the fear of losing you
Don't you know my name
Well, you been so long


“C’est la couleur qui te perd Little Girl. Lâche les yeux noirs et trouve une autre teinte. Les yeux verts c’est pas mal”


Il revient dans sa posture et ne bouge plus. Il est redevenu statue. Je m aperçois que j ai collé le poster de travers. La cigarette me fait tourner la tête, j’ai un drôle de goût dans la bouche.