vendredi 11 août 2017

Las Vegas Parano Part 1 ou comment je me suis désintoxiquée des gommes transparentes qui sentent bon.

Design by Gerry the Cat
Aujourd'hui j'ai fait un truc un peu dingue et évidemment complètement interdit. Depuis quelques semaines je me dis que Fred me considère comme une petite bourgeoise coincée du cul. C'est peut-être pour ça qu'il alterne le calculage/décalculage. Je me suis dit qu'il fallait je fasse des trucs un peu plus rock-n-roll vu que lui je le vois se métamorphoser en punk/new-wave à vue d 'œil. A midi, Marie-Georges, ma copine qui écoute du hard rock et qui prend la Flèche d'Allauch avec moi m'a proposé d'aller à Las Vegas. Marie-Georges et moi on se connait depuis la sixième, on prend le bus ensemble tous les soirs jusqu'à ce que mort s'ensuive. Avant, on était comme les autres filles, on passait notre temps à la papeterie en face du lycée à s'acheter des figurines Panini pour nos albums Lovely Doll, des gommes transparentes qui sentent tellement bon que jamais de ta vie tu vas gommer
Gomme  qui sert à rien mais qui sent bon
avec et des étiquettes Little Twin Stars que l'on colle dans nos carnets Pierrot Love. On bavait aussi sur les pochettes ou encore mieux les valisettes dessinées par Gerry The Cat avec des séries de meufs maquillées hard-chinese, coupe sanglier et giga-noeud à la con dans les cheveux. Mais elles valaient au moins 100 francs alors laisse béton. On passait notre temps à fabriquer des scoubidous, il y a avait une nana complètement cinglée dans la classe qui en avait tressé un en couleurs pastels et qui le couchait entre deux kleenexs comme un bébé. C'était une vraie débauche de plumiers Marylin Monroe et de stylos Charlotte aux Fraises notre classe, je te jure, on était pathétiques. Moi, je faisais un peu gaffe, j'ai vite compris qu'avec les 35 balles d'argent de poche que mes parents me donnent par semaine je pouvais m'acheter des pizzas et des crêpes à la place des gommes qui sentent bon mais qu'on peut pas manger. On rigole pas trop dans la famille avec la bouffe, toute la famille du côté de mon père sont boulangers-pâtissiers comme pas mal d'italiens, je suppose. Mon grand-oncle a encore une pâtisserie-confiserie en face du Lycée Michelet qui s'appelle “le Petit Prince”, j'ai passé mes mercredis après-midis dans l'arrière boutique à me gaver de sablés trois trous à la confiture de myrtille. Il y a un miroir sur la porte pour mater ce qui se passe dans le magasin. Quand mon oncle récupère un gros billet de 100 ou 200 F, il le laisse pas dans la caisse, il le met derrière planqué, il a déjà été braqué, même que c
'est ma grand-mère qui a sorti le braqueur parce que c'était Noël et qu'elle en avait plein le cul de plier des marrons glacés dans du papier doré.



Bref, avec Marie-Georges on était bien sage, en trip Holly Hobbie et scoubidou, et puis ça lui pète, elle me dit laisse tomber la cantine on va à “Las”. Moi j'ai tout de suite pigé de quoi elle parlait, mais bon s'il y a bien un truc que mes parents m'ont interdit c'est d 'aller là bas. Comme je l'ai déjà dit, c'est un snack/ salle de jeu en bas de la Rue Guy Fabre. C'est surtout fréquenté par des grands du lycée ou des gens d'ailleurs, pas trop par des merdeuses qui collent des figurines Panini dans des cahiers Lovely Doll. Y a quelques mecs du collège qui y vont, mais ils essayent surtout de traîner à un autre snack le Well's Fargo, plus fréquenté par des jolies filles de secondes qui en ont rien à traire de leur misère sexuelle. Donc à midi, on s'escape en douce par la rue Guy Fabre et on va à “Las”. J'ai le ventre qui gargouille, Marie-Georges me sourit, rentre et fait la bise au patron direct, celui qu'on appelle “Le Baron”. Il a au moins quarante ans et pas l'air sympa du tout. Elle commande un Americano-jambon, je ne sais pas ce que c'est mais ça m'a pas l'air génial alors je prends un tournedos-frites avec un Indien. (orangina/grenadine). C'est terriblement enfumé à l'intérieur, je distingue les baby foots en enfilade, le juke-box sur la droite et au fond les flippers. Des nanas déposent leurs sacs Longchamp derrière le comptoir, on fait pareil. Y a une pancarte qui dit que le lieu est strictement interdit au moins de seize ans mais on se colle des Royale Menthol dans la bouche et on crapaute pas pour bien montrer qu'on est vieilles. Les mecs s'excitent à mort autour du baby, ils disent pas de gamelles, pas le droit de tirer des demis, je comprends rien. A gauche, il y a les flippers, à droite les jeux électroniques, on me dit que c'est des jeux d'Arcade. Moi, je sais juste jouer au pong avec Alice, c'est un ordi rouge qui ressemble pas mal à mon mange-disque. C'est marrant les jeux se chargent sur mon
http://www.obsolete-tears.com/matra-hachette-alice-machine-17.html

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magnétophone à cassette et la nana sur le mode d'emploi a l'air trop zen yoga, ça dit “Le Basic en Douceur” alors qu'en vrai ça fait trop chier mais mon père il veut qu'on l'apprenne mais ça nous emmerde avec ma soeur alors il nous court après avec son manuel de Basic et on fait pareil que quand ma grand-mère nous parle corse : on se casse en courant. Je m'approche du Juke Box, il y a des tas de 45T au mur. On en a plein à la maison et des pas trop mauvais, elle a des goûts jeunes ma mère. Elle nous a ramené Madness par exemple Night Boat To Cairo avant tout le monde. Ce qu'elle supporte pas c'est les chanteurs français qui font des reprises à trois francs, genre Ringo pour Video Killed The Radio Stars des Buggles lui il chante Dites moi qui est ce grand corbeau noir? Je n'ose y croire. Elle dit que Mireille Mathieu c'est une chèvre puissance douze qui massacre Woman In Love de Barbra Streisand. Elle supporte pas les versions non-originales ma mère, même pour Memory elle fait la difficile, elle dit que Elaine Page l'a crée en premier et que c'est sa version qui est la mieux pas celle de Barbra. Mon père sorti de Brassens, Bobby Lapointe ou Reggiani, il aime pas grand chose. Il a vu plein de monde à l'Alcazar quand il était jeune mais il dit que c'est tous des nazes, surtout Aznavour qu'il trouve sinistre,, ah si son exploit c'est d'avoir acheté l'album Melody Nelson par Gainsbourg avant tout le monde. Moi j'aime pas trop Gainsbourg, je le trouve dégueu, mais Melody Nelson c'est bonnard, surtout “Cargo Culte', je fais que la jouer sur la chaîne de ma mère, celle que je dois pas trop toucher parce que le saphir coûte un bras. On va poser nos vestes sur un flipper au fond de la salle. 




Putain bougez pas je reviens, j'entends un espion derrière la porte de ma chambre.

dimanche 6 août 2017

C'est ma vie, Une telle Honte ou la Théorie du Décalculage.





Fred, Fred, Fred, je n'ai plus que ce prénom à la bouche. Je le vois chaque jour et j'enregistre un peu plus de détails. Il s'est mis un ptit bonnet comme le chanteur de Talk Talk avec juste la mèche qui dépasse. J'aime bien Talk Talk même s'ils sont super vilains, aussi vilains que Tears for Fears. Il y a leurs pochettes de 45T punaisés au dessus du Juke Box à Las Vegas, une salle de jeux qui fait snack aussi en bas de la rue Guy Fabre. Je n'y suis jamais rentrée c'est totally verboten, je pense que si j'y mets un pied ma mère me force à porter un chignon jusqu'à la fin de mes jours. Je sais juste que le patron s'appelle le Baron et que les filles de Troisième qui y sont allées sont super fières parce qu'il leur a fait la bise. Moi aussi j'ai été super fière quand Dédé le chauffeur de la Flèche d'Allauch m' a fait la bise pour la première fois. Dédé, c'est le seul noir de tous les chauffeurs et il est cool, les autres ils font rien que nous engueuler.
Donc je suis toute exaltée, à table avec Fred on se lance des regards mortels, on appelle ça “calculer”, il m'a calculée, il m'a pas calculée. Le décalculage, ça c'est la grosse affaire. Ca marque mal quand on te calcule pas c'est la grosse honte, such a shame quoi. Moi Fred je le calcule à mort, mais Ariane (ma copine Flashdance qui met des guêtres jacquards par dessus ses collants rose fluo) m'a dit que ça marquait mal. Je vais encore m'énerver et écrire comme une rageuse mais je vois pas pourquoi nous les filles on devrait attendre comme des mozzu comme dit ma grand-mère de Lugu-Di-Nazza en Corse. Je crois que je suis crok' de Fredéric, ça y est mon petit cœur d'artichaut va à nouveau morfler. Quelquefois j'ai l'impression que mon coeur c'est comme un mini paquet de Kleenex avec les feuilles toutes serrées à l'intérieur et une fois qu'elles sont sorties c'est trop le bordel pour les faire rentrer à l'intérieur et l'attache en plastique elle saute tout le temps. MARC me recalcule depuis cette semaine, il doit savoir que j'organise une boum pour mon anif et sûrement qu'il doit gratter . Le 9 mars, j'aurais enfin quatorze ans. Et je vais y aller de ma boum moi aussi. En ce moment tout le monde en fait, Roland aussi il en fait une, il me drague comme un malade, il m'a filé sa gourmette mais j'avais déjà celle de mon pote Gabriel au poignet. J'aime trop le prénom Gabriel alors j'ai laissé tomber celle de Roland. On dirait qu'ils se donnent tous le mot pour me brancher alors que moi je suis à fond sur Fred qui bouge pas d'un centimètre. Je dois faire mon explication de français pour demain c'est un poème de Prévert “Le Désespoir est assis sur un banc”. Le mec qui vous appelle quand on passe ou simplement qui vous fait signe mais en vrai il faut se tailler sinon on est trop malheureux avec lui. Comme Fred en fait, il bouge pas plus qu'un mozzu, un bout de bois mort. Ou le chanteur de Talk Talk, qui remue à 2 cm à l'heure alors que la vie se déroule à cent à l heure en arrière-plan.
Trop pas mon humeur du moment.