lundi 17 avril 2017

Histoire de l'Oeil ou comment j'ai compris qui était le mec de la perm aux yeux pers.

Ouf je reprends ...
Je suis descendue du 11 à l'arrêt qui se trouve juste devant chez moi. J'ai vu à nouveau ce couple d'aveugles, un homme et une femme, ils ont peut être vingt-cinq ans mais je sais pas leur donner d'âge. Ils ont des cannes blanches tous les deux. Lui en fait est juste malvoyant puisqu'il la guide, son iris part dans le mauvais sens, . Elle a des lunettes fumées et on dirait que ses yeux sont enfoncés dans leurs orbites. Lui il peut même lire mais il est obligé d'approcher la fiche horaire de la Flèche d'Allauch très près de des yeux. Je sais pas pourquoi ils me fascinent autant. C'est la façon dont ils peuvent compter l'un sur l'autre je crois, ou leurs yeux qui ne servent plus à rien. Peut-être parce qu'ils font le même trajet que moi, bus-métro assez souvent pour que je les croise.
Je suis rentrée à la maison mais je suis vite ressortie pour me caler près du puit de notre jardin. Comme ça, je peux fumer ma Royale Menthol tranquille, c'est une longue, un 100's que j'ai piquée dans le paquet de ma mère. J'ai appris la semaine dernière à aspirer la fumée, à ne plus crapauter parce que ça fout la honte, à la faire rentrer dans mes poumons et la recracher. Comme ça les Grands se foutent plus de moi. Je dis “les Grands” c'est juste les mecs de Troisième qui ont redoublé, ceux qui fument planqués dans la Cour d'Honneur pour faire croire qu'ils sont en seconde qui friment parce qu'ils ont des Daxs ou des
Chapis   des mèches sur le côté. En vrai c'est juste des mecs normaux mais en plus cons et plus frimeurs, ils ont les mêmes Chabrands, Burlington et Wayfarer que les autres en fait.   Mais ils se prennent un peu pour des coqs  à la Tom Cruise dans Risky Business et nous les filles on fait partie de leur basse-cour .
 Je suis donc là, calée la tête appuyée contre le crépi rose du puits et je me concentre sur ma Royale Menthol. C'est bon, c'est frais, même si ça fait tourner la tête, je repars dans les yeux des Sylvidres, mon journal contre moi, les roses trémières se mêlent à mes cheveux. Je repense à ce territoire infini que j'ai aperçu. J'ai des jungles dans la tête depuis longtemps, depuis que ma mère m'a prêtée sa boîte de pastels pour je ne sais plus quel dessin naze où j'ai du avoir un note de merde encore. (mon prof de dessin c'est un authentique connard qui humilie bien les élèves mais un des ces quatre je vais soigner son portrait ). Je me suis éclatée avec cette boîte, même si je ne sais pas colorier comme vous le savez. Je me suis mise à traquer la moindre nervure de feuille de ficus dans les pots de terre de la véranda et Dieu sait que j'en avais rien à foutre des plantes auparavant, pour me perdre dedans et me retrouver dans le territoire de l'Inini. Je sais pas ce qu'il m'a pris, c'est devenu une obsession de dessiner ces jungles, peut être que j'ai dans la tête un endroit en bas de mon village en Corse. Ça
le Trou du Diable
s'appelle le Trou du Diable, là bas on dit on va se baigner “au fleuve”, on y voit des cascades blanches se jeter dans des vasques d'eau noire, tout y est incroyablement vert et je me dis que ça doit ressembler à ça l'Orénoque ou l'Amazone. C'est un endroit dangereux, des gens y sont morts, des jeunes emportés par une crue mais c'est tellement beau et sauvage . Je repense aussi à Raymond Maufrais dont mon père me faisait lire le journal quand j'étais petite. Ça me fascinait ce type parti seul sur la piste de mystérieux Indiens blonds, englué dans les jungles de Guyane délirant de faim pour finalement se jeter à bout de force dans les remous de la rivière Mata et y disparaître en laissant son carnet de notes derrière lui. Je repense à tout ça et je pense à cette chanson d'Yves Simon  Amazoniaque, c'est un peu idiot, je n'aime  pas trop les chansons françaises mais pour le coup les paroles sont magiques.


Mes nuits d'insomnie j'me perds dans les forêts d'Amazonie 
Dans tes ch'veux, tes bras qui m'enserrent, c'est bien là que j'me perds 
Les indiens d'Amazonie attrapent au cœur des maladies 
Contagion express envoyée par courrier civilisé 


ma jungle au pastel
Je sais donc où j'ai vu ce mec avec ses yeux de Sylvidre. En fait c'est pas du tout au fin fond de l'Amazonie mais au fin fond de la cave qui nous sert de cantine, au réfectoire quoi. J'explique en début d'année on a réparti les tables selon les classes, moi je suis en 4e 1 donc ben j'aurais du être avec les gars de ma classe sauf que mon nom commence par un R, donc fin de l'alphabet égale malédiction, y avait plus de place et je me suis retrouvée exilée à la table des 4e6. Comme ça, ça l'air de rien mais en fait c'est un truc hyper important, nous les 4e1 je l'ai dit on est une classe CAMIF, bilingue allemand avec latin machin donc  on est considéré comme des gros lèches dans ce bahut. Mes parents ont du faire des pieds et des mains pour m'y faire rentrer, il fallait une dérogation. Les 4e2 ils ont Russe en première langue donc c'est des phénomènes aussi, avec des parents encore plus profs que les nôtres qui votent tous PCF et qui pleurent sur la trahison de Mitterrand, les 4e3 c'est allemand mais pas bilingue. Donc en gros de 1 à 3 t'es un intello et de 4 à 6 t'es dans la dead zone avec les zombies et les loup-garous! Tout ça pour vous dire que me retrouver à la table des 4e6 c'était pas innocent et que je faisais pas la maligne de peur de me faire tirer les tresses et traiter de boudin même si je suis plus une victime comme en CM2. Et à ma table, il est là ce mec aux yeux verts et à la peau très blanche, un mec de 4e6 donc. Au début de l'année, je le regardais même pas, il me faisait peur et puis il était super mal fringué, un jean neige horrible des trucs de chez Harry Landers trop moches. Là il a coupé ses cheveux, il s'est acheté des Creepers et un pardessus maxi fendu jusqu'aux fesses. Il ressemble à Norman. Comme ça et avec ses yeux verts un peu comme ceux de David Bowie, même si Dave est incomparable, il est vraiment craquant. Il a les yeux pers, j'ai appris ça quand ma mère me parlait de l'Odyssée, Athénée aux yeux pers, Athéna Nikè, la déesse aux yeux verts. (une fois la mère de mon amie Bérénice est entrée dans un magasin en demandant des Nikè pour sa fille ça nous a fait mourir de rire mais Nikè c'est la victoire, c'est ça d'avoir des mères qui ont fait du grec.)
En fait en fouillant un peu, j'ai découvert que ce mec s'appelle Frédéric. En vrai, on se connaît pas, on se fait pas la bise ni rien. Mais là, j'avoue que son regard pers m'a troublée, qu'est-ce-qu'il veut ? Est-ce qu'il serait possible qu'il veuille sortir avec moi?  Est-ce qu'enfin je pourrais connaître un deuxième rêve tout aussi beau que le premier ?

Il faut que je découvre ça au plus vite, j'ai hâte. Je retourne dans ma chambre pour mettre
le 45T d'Alan Parson's Project dans mon mange disque PEPITO.

I am the eye in the sky
Je suis l'oeil dans le ciel
Looking at you
Qui te regarde
I can read your mind
Je peux lire tes pensées
I am the maker of rules
C'est moi qui établit les règles
Dealing with fools
Qui manie les imbéciles
I can cheat you blind
Je peux tricher tu n'y verras que du feu
And I don't need to see any more
Et je n'ai plus besoin de disposer de la vue
To know that
Pour savoir cela
I can read your mind, I can read your mind
Je peux lire tes pensées, je peux lire tes pensées


lundi 10 avril 2017

Les Yeux Sans Visage ou comment je suis passée par la fenêtre en vert et contre toute attente. (Against All Odds)




J'écris de la permanence où j'ai été séquestrée par le principal adjoint Saporella, qu' Hydargos le maudisse! Ce mec c'est Pinochet ascendant Thatcher, le geôlier du collège. Si t'as le malheur de le croiser dans le couloir en dehors des heures de cours avec son manteau marron-caca, t'es sûr que t'es archi-mort avec personne pour même venir oser cracher sur ta tombe. Il te chope je te jure que tu prends perpète de permanence sans espoir qu'Amnesty International fasse signer une pétition. En gros, t'es prisonnier des geôles fascistes pire qu'Abel Chemoul.

Bon après, on a été séquestré parce qu'on a un peu déconné, j'avoue. Enfin moi j'y suis quasiment pour rien ou presque. Vous vous souvenez de la salle d'Histoire Géo, celle où j'ai chialé toutes les larmes de mes treize ans quand Marc a cassé? Bin une de ses fenêtres est située au dessus d' un escalier qui mène au préau de la cour des bâtiments Louis Grobet . ( Notre bahut c'est super compliqué en gros l'entrée du collège se fait par la rue Louis Grobet d'où le nom des bâtiments tandis que l'entrée du lycée se fait par la rue Guy Fabre, le seul truc que vous devez comprendre c'est qu'on se fait défoncer quand on est dans les bâtiments du lycée ou quand on essaye de s'échapper par la rue Guy Fabre pour aller s'acheter une pizza à dix heures, toujours par Saporella et ses sbires, de toutes façons, on se fait dynamiter quatre-vingt dix neuf pour cent du temps rien que respirer c'est dangereux dans ce bahut de merde).

Bref, inutile de vous dire que c'est pas très compliqué de se hisser sur le rebord de ladite fenêtre, on peut même s'y caler si on est pas trop nombreux et on s'en prive pas pour être un peu tranquille après la cantine sauf que of course c'est méga-verboten. Aujourd'hui il pleuvait, alors on s'est serré à mort pour s'abriter, d'habitude on est cinq-six maxi, là on était au moins le double, assis les uns sur les autres et évidemment c'est parti en laïve, ça a commencé à se pousser, il y a eu deux-trois baffes échangées et à un moment ben à force de se pousser et de se mettre des taquets, je sais pas comment c'est arrivé, on a dû appuyer comme des barjots sur la vitre et elle a cédé, en gros elle a explosé sous le poids et moi qui était dessous le moulon ben je suis passée à travers et j'ai atterri de l'autre côté dans la salle, contre la grille du radiateur. Tout le monde gueulait, c'était un bordel pas possible et puis ceux qui étaient au dessus du tas ont commencé à se barrer en courant. Ceux du dessous, ou ceux qui avaient un brin d'humanité sont restés pour voir comment j'allais mais moi j'étais ni mutilée ni rien, ma première réaction ça a été de hurler de rire en fait et c'est là que Saporella nous est tombé dessus. Il est arrivé en mode iroquois,  il a surgi de nulle part, le mec a une technique trop sournoise, on l'entend jamais arriver du coup gros coup de filet et BIM  tous en permanence jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Réflexe numéro un, bien que l'infâme Saporella nous ait filé un devoir a faire, j'ouvre mon journal, comme à chaque fois que je m'ennuie. J'ai commencé à traduire les paroles d'une chanson de Billy Idol, un peu ballade, pour une fois qu'il est pas en mode punk à clous trop énervé avec son sneer, son truc avec la lèvre de travers là.
La chanson c'est Eyes Without A Face, c'est le titre un vieux film français aussi je l'ai vu au Cinéma de Minuit avec le générique plein d'yeux de stars du cinéma justement mais à mon avis Billy Idol il doit pas le savoir, c'est pour ça que le refrain de la chanson est en français : Les Yeux Sans Visage, enfin c'est ce que j'imagine.


I spend so much time
Believing all the lies
To keep the dream alive
Now it makes me sad
It makes me mad at truth
For loving what was you


J'ai passé tant de temps/
A croire tous ces mensonges/
A garder ce rêve vivant/
Maintenant ça me rend triste/
Ça me met en colère contre la vérité/
D'avoir aimé ce que tu as été.


C'est fou comme encore les paroles me parlent de Marc et d'un coup d'un seul je comprends que c'est fini que je suis encore triste et en colère mais que je ne l'aime plus et que même à la rigueur je me demande ce qui m'a pris. Après tout comme le dit David, qui sait s'il m'a jamais aimée? Tout ça pour un Take Care Rio écrit au Ball Pentel sous la pluie. C'est Billy Idol qui a raison, ça rend barge la vérité.



Je finis mes traductions de paroles et je me mets à dessiner des yeux. J'ai commencé en sixième je crois et je ne me suis plus jamais arrêtée. Ca m' a pris à cause d'Albator, le dessin animé. Ses ennemies ce sont les Sylvidres avec leur reine Sylvidra et en gros elles veulent envahir la terre. Ce ne sont pas des vraies femmes en fait ce sont des plantes mais elles ressemblent à des sirènes ou des nymphes, elles ont de longs cheveux et des yeux pas possibles avec des cils de dix kilomètres. Elles ont la peau blanche comme Isabelle Adjani et quand elles meurent elles poussent un cri strident qui fait très peur et elles brûlent dans une flamme verte vu que c'est des plantes à la chlorophylle, sauf leur reine Sylvidra, elle se bat contre Albator et on s'aperçoit qu'elle saigne rouge et qu'il y a une embrouille mais ça c'est à la fin. Donc moi , au début je voulais dessiner des Sylvidres en entier mais c'était très nul, j'ai fini par ne plus  faire que les yeux et les maquiller à mort.

Les dessins animés japonais de chez Dorothée, c'était  un champ de bataille à la maison. Au primaire, tout le monde matait Goldorak avec ses astéro-haches pour niquer la gueule au Golgoth 13 de l'infâme Hydargos mais nous on avait pas le droit, mes parents trouvaient que c'était débile. Mon
HYDARGOS

père m'a expliqué que la qualité n'avait rien à voir avec les Disneys qui filment trente-six dessins à la seconde, que les trucs japonais c'est vraiment cheap . Il a réalisé un dessin animé mon père, il y a longtemps avec les personnages des Shadoks. Il a des bouquins qui en parlent, avec les techniques de réalisation etc... C'est sûrement vrai tout ce qu'il dit et même s'il me laisse regarder les Tex Averys à la Dernière Séance, moi j'aime bien voir Candy qui court avec le décor qui bouge pas derrière. Candy j’étais méga-fan aussi, elle est trop forte, tous les mecs se l'arrachent et pas les plus moches, le Prince de la Colline, Anthony, Terry Grandchester (mon préféré, c'est trop un bad boy). Candy c'est l'équivalent d'Angélique, elle se laisse jamais abattre même quand on la fait chier genre Elisa et Daniel avec leurs yeux rouges. Je me rappelle au primaire, le jour où Anthony est tombé de cheval, moi j'avais raté l'épisode et tout le monde est arrivé en disant “Anthony est mort “ et j'ai maudit mes parents. En rentrant, je me suis jetée sur la télé pour tomber sur Dorothée qui expliquait qu'Anthony était pas mort finalement, juste blessé et je me suis dit que ça puait l'arnaque. J'ai su la vérité un peu plus tard lorsque mon père m'a fait lire un article de Télérama qui expliquait que le standard d'Antenne 2 avait explosé et que du coup ils avaient été obligé de changer le doublage en catastrophe et faire croire à une blessure, je me rappelle ça disait “Et Anthony, enterré au Japon soigne toujours ses côtes cassées en France”. Ça m'a fait rire et je me suis dit que mon père avait raison c'était quand même un peu de la merde. J'ai été moins accro à Albator mais les Sylvidres elles m 'ont sciée et j'ai commencé à dessiner leur yeux verts sans m'arrêter. (note de la blogueuse : impossible de trouver une version française de la mort d'Anthony, puisque censurée au pays de Dorothée donc bah la muerte de Antoni, ça me paraît explicite)



J'écris du bus maintenant, le 11, “La Flèche d'Allauch'” comme on la surnomme.

J'en étais là donc à dessiner des yeux sans visage, comme dans la chanson de Billy et j'ai senti quelque chose glisser sur mes cheveux et en même temps j'ai entendu un chuchotement à mon oreille comme un soupir de Sylvidre ou peut être que c'était l'oeil-chorophylle dans lequel je m'étais un peu perdue, j'en sais rien mais il s'est passé un truc pas net et j'ai levé la tête.
Et puis j'ai vu ce regard au dessus de moi. Deux yeux verts, les mêmes que ceux de la chanson de David “Cat People” vous vous souvenez? Des yeux plus froids que la lune, j'ai cru que Sylvidra m'avait captée et qu'elle allait me balancer à Saporella, lui cafter que j'étais en train de dessiner les plans d'évasion genre Edmond Dantes au Château d'IF.

Au bout d'un moment, je suis revenue à moi dans la permanence et j'ai compris que c'était pas du tout une Sylvidre qui me matait mais un mec de Quatrième qui me disait vaguement quelque chose. Au moment où je l'ai regardé, il a détourné les yeux aussi sec et je me suis demandée si je n'avais pas rêvé.

Putain je SAIS où j'ai vu ce mec! 



Merde, le bus démarre, galère d'écrire, je reprends plus tard.















dimanche 2 avril 2017

J 'attrape un garçon de papier mais les choses ne changent pas vraiment ou comment j'ai maté les fesses de David Bowie.




Je ne sais pas si je vous ai parlé de mon secret. J'ai un secret comme toutes les filles mais pas un secret en bois que je répète qu'à ma meilleure amie qui va me jurer que ça sortira pas des Bouches du Rhône, non un vrai secret dont je n'ai parlé à personne. Je parle à David Bowie et il me répond! Je sais pas si je vous ai dit que c'était mon idole? Quand j'étais petite en 6e ou en CM2, j'avais pas d'idole. Quand j'allais en boum ( c'était pas des vraies boums, il y avait que des filles), je disais que je n'aimais pas la musique moderne, je racontais que je n'écoutais que le Lac des Cygnes, le 33 tours Deutsche Gramophon que mes parents m'avaient offert. En fait, ça vient de encore plus loin, plus petite encore, j'avais un de mange-disques orange marqué PEPITO où je faisais jouer mes quarante-cinq tours préférés, des contes dit par des mecs que tu vois jamais à la télé Claude Dauphin, François Périer et Christiane Minazzoli, je me souviens. Mon préféré était celui du Vilain Petit Canard parce que c'était trop moi, trop petite, trop maigre (bon les RAIDERS sont passés par là et c'est plus le cas) et très maladroite. Je vous passe l'histoire mais Le Vilain Petit Canard, à la fin il croit qu'il va mourir et que les cygnes vont le tuer parce qu'il est trop moche mais en vrai lui il est devenu un super beau cygne tout blanc et il se barre avec ses potes cygnes et il emmerde tous les jaloux qui ont passé leur vie à le faire chier. Tout ça sur le final du Lac des Cygnes, ça allait crescendo,  et moi je chavirais :  d'abord les yeux humides, le coeur dans la gorge et pour finir les sanglots parce que je comprenais juste que c'était une histoire triste à mourir de bébé canard rejeté par sa maman et c'était trop triste.
Bon, j'ai changé depuis et j'ai découvert David Bowie, toute seule, comme une grande. Il est entré dans ma vie comme une tornade blonde. Je crois que la première chose dont je me souviens c'est son clip de “Ashes to Ashes”, je sais pas comment je me suis débrouillée pour le voir parce que c'est le genre de truc qui passe qu'aux “Enfants du Rock” le samedi soir après Drucker, donc il faut un peu galérer et gratter les parents pour pouvoir mater l'émission. Les miens ils étaient intraitables jusqu'à l'année dernière, là ça va mieux mais bon c'est toujours un peu tendu.
Je pense que le clip m'a fait un peu flipper la première fois que je l'ai vu. Quand il était pas en clown, il était en Major Tom dans une cellule capitonnée et il faisait super peur avec ses regards caméra, et il avait l'air si dingue je me suis dit, voilà ce mec c'est moi, il est à sa place nulle part et c'est pour ça qu'on le voit partout. Ma chambre s'est couverte de ses posters que je trouve dans “Salut” et “Rock et Folk”. Mon préféré est situé au dessus de ma collection de BD, il a une attitude pensive, on dirait un peu une statue, il a ses longs doigts repliés, sa mèche sur le côté et une chemise à raies. Son oeil vert me scrute je le trouve terrifiant et fascinant la fois. J'attends qu'il se décide, c'est toujours lui qui commence. Je mets le 33T de “Let's Dance” sur ma chaîne et les premières mesures de “Modern Love”, cette chanson géniale se font entendre.


I catch a paper boy
But things don't really change
I'm standing in the wind
But I never wave bye-bye


But I try
I try


Are you sure you're trying hard enough little girl?” 'Tu es sûre que tu essayes assez Petite Fille?"


Sa voix grave et caressante est sortie de je ne sais où. Son sourire est toujours aussi mystérieux mais je vois ses yeux si différents l'un de l'autre s'allumer d'un lueur moqueuse. Il sait que dès que j'ai le coeur gros, ce sont ses disques que j'écoute. Il n'est jamais très chaleureux mais le seul fait qu'il me parle entre toutes les filles et les garçons qui le vénèrent sur terre (c'est rigolo j'ai appris qu'en latin, vénérer et cultiver c'est le même verbe ), ça me suffit. David, je l'aime et je le cultive. Le seul truc qui me dépouille c'est qu'il a presque l'âge de ma mère . J'aurais trop aimé être une de ses proches ou être lui.
Extrait du Clip censuré par MTV!
China girl commence, cette chanson devrait me pomper l'air depuis longtemps mais non! Je me suis planquée pour voir le clip censuré où on voit ses fesses, la promo qu'ils avaient fait pour l'émission 22 Vlà le rock  !  (sur TF1). Le cul de Bowie pire que la bombe H celle qui va tout destroy même que c'est à cause de ça que les punks ils disent No Future toutes les trente secondes. Je confirme j’ai vu ses fesses et c'était de la bombe, je sais pas vraiment ce que c'est que faire l'amour ni comment ça peut se passer (enfin techniquement si mais bon c’est un peu hard à imaginer) mais moi je sais que j'aimerais trop que ça  ressemble à ça sur une plage au coucher du soleil avec les vagues autour même si c'est sûr le sable ça rentre sûrement dans les fesses et que le sel ça gratte. Et avec un mec du genre David Bowie même si dans la réalité j'aime pas trop les blonds j'ai un gros faible pour les petits bruns aux yeux noirs qui pétillent genre vous-savez-qui mais jusqu'à présent ça a été plutôt la cata.
J'ouvre la fenêtre, il pleut. Je sors le déo Narta et une Royale Menthol que j'allume.
Are you OK, little girl?” “Tu vas bien Petite Fille?
Just feeling a little blue, as usual.” “J’ai le blues comme d’hab.”
Oh no, don't tell me it's about that Marc asshole again! What the hell, girl, do you think he is THAT important? Was he even in love with you? I mean like ever?” “Ne me dis pas que c’est encore ce connard de Marc, mais il est si important? Est-ce qu’il t’a jamais aimée?”
I don't know Dave, he dumped me for some no-bra-slut that's all I know and now he's been seeing that clueless blonde who doesn't know a thing.” “Je sais pas il m’a larguée pour une salope sans soutif et maintenant il voit cette blonde trop conne
Come on, this was months ago, you should be over him by now.” “Mais c’était il y a des mois, faut passer à autre chose!”
Il est marrant lui et  ses yeux noirs, son Kway vert pomme, sa dent de requin et sa lettre pleine de fautes, j’en fais quoi moi? Je veux pas le vexer, je lui dis oui.
Je vais traduire la suite en français.
Dis donc , j'suis  partout dans ta chambre.”
Oui, j'en ai trouvé un dernier dans Girls, j'en ai quinze en tout de posters. Ne regarde pas celui sur la porte, ma soeur a écrit Bowie = homo et l'a déchiré. On s'est battues à cause de ça. Je suis désolée. Et puis elle m’avait fait croire qu’elle avait enregistré du Kim Wilde sur ta cassette de  Scary Monsters.”
Je suis pas homo, je suis bi.”
Oui, je sais mais ici les gens ne font pas la différence et on me dit des tas de trucs au collège à cause de ça mais moi je m'en fous.”
C'est quoi ce cahier ? On dirait un truc chinois.”
C'est mon journal, je l'ai acheté en Allemagne, j'ai pensé à China Girl quand je l'ai vu.”
C'est pas un truc pour publier”
Non, t'inquiète. C'est juste pour moi et pour la Vieille Isabelle , celle qui me lira dans longtemps. Et puis je suis pas assez douée pour çà.”
OK. Tes cheveux ont repoussé; c'est fini la Coupe Sanglier?
Ouf, oui ça a repoussé j'irai plus jamais  chez le coiffeur  c'est que des connasses qui veulent te faire des mini-vagues nulles.”
Ca le fait rire
“Je voudrais juste que tu m’emmènes Dave que tu m’emmènes loin de tout ça.  Regarde c’est pas pour moi personne comprend l’anglais pour se procurer de la bonne musique c'est la galère et il pleut une fois par an. Comment tu veux faire?”
“Je ne sais pas. Si déjà tu pouvais éviter de t’accrocher à des gens qui ne t’aiment pas ça serait déjà bien.”


Voilà “Putting Out fire”passe c’est une de mes préférées également. Dave claque des doigts et commence à faire du playback sur les paroles.


See these eyes so green
I can stare for a thousand years
Colder than the moon
It's been so long
And I've been putting out fire
With gasoline


Feel my blood enraged
It's just the fear of losing you
Don't you know my name
Well, you been so long


“C’est la couleur qui te perd Little Girl. Lâche les yeux noirs et trouve une autre teinte. Les yeux verts c’est pas mal”


Il revient dans sa posture et ne bouge plus. Il est redevenu statue. Je m aperçois que j ai collé le poster de travers. La cigarette me fait tourner la tête, j’ai un drôle de goût dans la bouche.