jeudi 15 juin 2017

Mademoiselle Tête de Bois ou comment je n'ai pas été élue Miss OK.

Oh merde, je suis retombée sur mon ancien journal. Mwahaha mort de rire!  Il est super nunuche, on parlait de Sarah Kay la dernière fois mais rien que la couverture ça vaut son pesant de cacahuètes!
Dedans c'est mortel Je parle pas beaucoup de garçons parce que c'est gênant de l'écrire même maintenant mais c'est cet été là que ça a commencé les slows les bisous et tout le bordel.
(La Bande Son c'est ici)

C'était l'été du slow de PhD, en fait moi je comprenais rien en anglais à l'époque. Je fredonnais juste le refrain en disant “I wannu lai iou donne” mais je pigeais pas, je pensais que le mec il voulait larguer la fille et il lui disait et je pensais “Mais quel enfoiré!!”
En vrai, les paroles c'est pas du tout ça.

I won't let you down, no I won't let you down
I won't let you down, my love
Ca veut dire je VEUX PAS te quitter!

C'est le premier slow que j'ai dansé au bal de la Madrague de Gignac. C'est un slow un peu étrange. Pas vraiment un truc larmoyant avec des déluges de guitares ou des nappes de synthés genre “Hotel California” ou les 10 CC's avec “I'm not in love” (quel enfoiré le mec pour le coup là c'est vrai, je suis pas amoureux mais je te fure quand même, bonjour la mentalité )!. Le couplet pouvait presque se danser séparés, sur un rythme proche du reggae, on avait l'air un peu con, on savait pas trop quoi faire. Puis hop le refrain et alors là scotchage contre le partenaire. J'ai pas eu de bol, c'est un gros moche qui m'a invitée en premier, on l'appelait Olive, ça vous donne une idée du canon que c'était. Moi je craquais sur un autre, un petit brun qui répondait au doux nom de Sifflet, parce qu'il sifflait tout le temps avec les doigts dans la bouche, ça m'impressionnait vachement. C'était la mode des chaussures en plastiques, j'en avais des blanches nacrées que je portais avec une jupe vert d'eau d'inspiration indienne achétée au marché de Carry le Rouet. Je me trouvais très belle comme ça, je doutais de rien il y a deux ans! Enfin, je me suis trouvée belle jusqu'au jour, juste avant le bal d'ailleurs, où ma mère a eu la bonne idée de me couper la frange et me dégrader les cheveux pour faire une coupe “à la lionne” et là ça a été la fin.

Cet été-là à la Madrague de Gignac, je passais mes après-midis affalée dans la chambre d'hôtel d'Ingrid. C'était une copine de vacances, une allemande, brune aux yeux noirs et très bronzée, on aurait plutôt dit une italienne. Elle avait un succès terrible tous les garçons lui couraient après et Sifflet en particulier. J'etais verte, je la trouvais pas géniale, le seul truc c'est qu'elle avait presque quatorze ans, des seins et des fesses couverts de vergetures et qu'elle laissait les mecs y mettre les mains partout. Moi les vergetures je fantasmais dessus je trouvais que ça faisait dame, pour vous dire un peu mon niveau de connerie.

Maquillage du Soir et Coupe Sanglier.
Dans sa chambre on foutait rien à part se mettre du bleu sur les yeux avec les palettes Arcancil. Moi j'y comprenais rien quelle couleur il fallait mettre et où donc je dévorais des tonnes de magazines à la con genre Girls ou OK Podium et là ça t'expliquait tout : comment estomper les ombres à paupières avec un pinceau en poils de martre après l'application au truc en mousse que tu trouvais dans la boîte. Le rose et l'orangé, par exemple, fallait le dégrader jusqu'aux pommettes. Il y avait un maquillage comme ça, ca s'appelait “Le look Hard Chinese” à ne reproduire que dans des circonstances exceptionnelles précisait l'article. Il fallait bien faire la différence entre le maquillage de jour (crème teintée, poudre libre, un soupçon de mascara et de gloss) et le maquillage de soirée où l'on pouvait oser le triplé crayon contour des yeux, duo d'ombres à paupières à étirer avec le pinceau comme j'ai dit plus haut. Les filles ressemblaient toutes à Pia Zadora dans le clip avec Jermaine Jackson mais en moins mordorées plus colorées, au moins au niveau du maquillage et les cheveux en pétard, crêpés à mort. Les photos faisaient mal aux yeux, les fringues avaient des couleurs pas possible, les bandanas et les mitaines étaient fluos bien visibles dans la lumière noire. Ma mère nous avaient acheté la panoplie complète à moi et ma soeur, tu peux dire ce que tu veux mais elle nous a toujours fringuées up to date même si maintenant même pas en rêve elle me file ses conseils en relooking j'ai assez morflé comme ça avec la Coupe Sanglier. Elle y était cette putain de coupe dans Girls aussi, l'article disait qu'elle se remettait en place toute seule, à peine travaillée au gel avec les doigts. Et mon cul c'est du poulet?

Les Merveilleux Cadeaux de Miss OK
Le truc qui me fascinait aussi, c'était Miss OK et son élection. Il y avait un bulletin à remplir, “Deviens toi aussi la Miss Ok 1982!” et il y avait la tête de vainqueur de la nana de l'année d'avant avec tout le bordel adéquat : la mini-vague, le bandana vert-fluo, le maquillage jour/nuit et de grosses créoles pleines en plastique orange ou violet. Elle était entièrement relookée et couverte de cadeaux : en double page on lisait “Découvrez les merveilleux cadeaux de Miss Ok”. Ca allait du walkman à la palette de maquillage avec pleins d'étages différents et des ombres à paupières tant que tu veux. A l'époque, je rêvais d'avoir les yeux bleus des mannequins dans les pubs Rive Gauche de Saint Laurent. Je découpais leurs yeux lourdement fardés pour les coller de notre chambre en lambris au Cabanon, même que je m'étais faite ouvrir par ma mère. En plus Miss OK se faisait du fric, 30 f par jour pour mettre des créoles en plastoc c'était quand même bien payé.
Tête de Vainqueur.
Pour accéder au monde merveilleux de Miss Ok, il fallait remplir un bulletin et recueillir les signatures des amis attestant que l'on méritait d'être la fille la plus OK de l'année. Je l'ai souvent regardé ce bulletin mais rien que ça c'était glaçant. Tu te vois aller gratter l'amitié pour qu'on te signe que t'es une fille trop OK? Laisse béton.


On en discutait avec Ingrid, de ça, de la boum de Sifflet et du bal de la Redonne. Elle se baladait toute nue dans la chambre ou avec des culottes à raies genre Petit Bateau mais en pire. C'est les allemands ça, je suis allée dans un genre de piscine/ sauna l'été dernier à Mannheim toutes les meufs étaient à poil avec des Birkenstocks aux pieds, surtout les vieilles, ça m'a un peu dégoûtée. Elle se foutait du déodorant partout aussi, même là où je pense, ça m'a choquée, des marques allemandes au packaging pas terrible. Moi cette année je suis allée m'acheter toute seule ma première palette Arcancil (mordorée) et un déo Sintony au Prisu des Cinq Avenues. J'adore ce déo, il est tout petit, je le mets dans mon sac Longchamp. La pub Sintony c'est de la drogue dure, la fille ressemble pas mal à une Miss OK en mode maquillage de jour et donne une gifle à un garçon et sa main laisse une marque en forme de coeur sur la joue du gars. Mais c'est surtout la musique qui reste dans la tête, ils en ont même fait un 45 tours.

Geste moqueur,
Un Coup de Coeur
Sintony, Sintony
Dessus, dessous parfume partout
Sintony, Sintony
Mon arme, c'est un coup de charme.
Sourire câlin, geste coquin.
Une couleur pour chaque parfum!



Et la nana a le tee-shirt assorti à la couleur du déo!

Le seul truc, c'est que moi, je pensais que les gifles aux mecs, ça se collait en vrai dans la vie sans problèmes. A la boum de Sifflet, j'ai mis deux vrais taquets au gros Olive qui m'a roulé une pelle avec la langue sans prévenir. Enfin, si il m'a prévenue, il m'a dit “Est-ce que tu veux sortir avec moi?” . Moi, j'avais pas compris, je pensais que ça voulait dire aller au cinéma ensemble. Et j'ai repensé à cet épisode du primaire où un type m'avait demandé si je voulais lui “tailler la pipe” rien que pour voir si j'avais pigé et aussi à cette lettre dans le courrier des lectrices de OK magazine intitulée “C'est pas drôle de sortir avec un glaçon”, à cette pauvre fille qui se désespérait parce que c'était le motif de rupture de son petit ami. Tout à coup une espèce de fureur m'a saisie, je me suis dit que je m'en carrais des conseils en séduction de OK magazine, en gros se maquiller, se coiffer pendant des heures et attendre qu'un gros type vous fasse sa mayonnaise dans la bouche, je trouvais ça débile d'un coup. Je ne savais pas ce qu'on dirait de moi sans doute que j'étais folle comme d'habitude. C'est là que j'ai commencé à m'en foutre et depuis quand ça me reprend, je me dis qu'il peuvent tous se mettre un déo Sintony là où je pense et faire l'avion avec. Tout ce que j'ai gagné cet été là, c'est de me faire bannir de la Madrague de Gignac et lorsque Ingrid s'est barrée, j'avais même plus la chambre d'hôtel pour traîner sur les Ok magazine éparpillés sur le lit.