Bon je reprends. J'étais
donc à mon Carambar dans la bouche et Norman avec la main sur mon
épaule. Même pas il me dit tu danses, ni rien, moi je vois juste
ses yeux bleus frangés de longs cils et son nez parfait avec pas un
point noir dessus. Il a la peau blanche et rose comme un bébé, des
cheveux très sombres, un peu bouclés, je crois qu'il a mis du
Studio Line à mort dessus parce que ça sent à fond. Il pose ses
mains sur ma taille et commence à me serrer quand même un peu plus
que les autres. Le slow, c'est quand même toute une technique, enfin
surtout pour la fille, parce que les mecs à part envoyer les mains
et esquiver les gifles c'est quand même assez basique. Enfin si,
faut quand même qu'ils osent nous inviter à danser mais des mecs
comme Norman ça leur pose jamais de problèmes, ils se font jamais
rembarrer, toutes les filles attendent que ça.
Donc les filles déjà
il y a un problème, entre tapisserie et un moche qui invite que
faire? Evidemment, tout est préférable à la tapisserie, du moins
au début de la série des slows, les belles nanas (les minces à
cheveux lisses qui rient pas trop fort) elles se font inviter
d'entrée par des beaux, mais les moyennes comme moi, on est emmerdé,
si les beaux sont occupés, bin il reste les autres, et le problème
du pas beau c'est qu'il risque de danser toute
la série avec toi ou alors d'essayer de te rouler une pelle direct
(ils ont l'énergie du désespoir), so what? Ce qui est sûr
c'est que le pas beau on le colle pas, on lui remonte les mains dès qu'elles descendent un peu sur les fesses, mais même un
beau on le laisse pas faire sinon on se fait traiter de pute direct,
c'est arrivé à Nathalie, deux mains dans les poches arrières
de son jean's blanc et voilà, tout le monde a dit qu'elle avait le
feu au cul. Les boums en fait c'est comme un village de 35 habitants
avec un stroboscope, des maxi 45T et du Pschitt orange, on sait ce qui se passe en 10 secondes et les réputations se font en deux/deux.
Norman me serre donc, au son
du saxo. Je connais la chanson par cœur mais bon là j'ose pas chanter parce qu'en général ça me réussit pas trop, j'essaye pour
une fois d'être la fille aux cheveux lisses qui rit pas trop fort,
qui s'empiffre pas de crêpes pour oublier son malaise et qui dit pas
deux gros mots à la seconde. Pourtant, elle est tellement belle
cette chanson, je revois George Michael en train de serrer ses poings
et de fermer ses yeux très très fort parce qu'il souffre d'avoir
trompé sa nana.
“I m never gonna dance
again/ Guilty feet have got no rhythm/ Though it's easy to pretend/ I
know you're not a fool”.
Je ne danserai plus
jamais / les pieds coupables n'ont pas de rythme/ bien qu'il soit
facile de faire semblant/ je sais que tu n'es pas une idiote.
Je
pourrais lui expliquer à Norman, lui dire que je traduis les paroles
dans ma chambre avec mon Robert et Collins en passant et repassant le
45T dans mon mange disque orange Pépito. Sur la pochette, on voit
George Michael en noir et blanc qui croise les bras en regardant vers
le haut. Moi aussi je pose comme çà sur les photos parce que sinon
j'ai l'air d'une demeurée quand je regarde en face avec mes yeux
marrons de cochon. Mais je lui explique rien, je suis trop occupée à
sentir son souffle dans mon cou et ses mains qui me caressent le dos.
J'arrive pas à croire qu'il me drague et en plus sur mon slow
préféré. Je sens ses lèvres qui remontent le long de mon cou,
elles sont chaudes c'est incroyable et çà me fait un petit frisson.
Il se dégage un peu, prend alors mon menton, le relève et me dépose
un baiser sur le coin de la lèvre. Nos pieds continuent à bouger,
le saxo s'excite à mort. Je sens mes genoux tout mous. Je veux pas
faire la fille qui sait pas embrasser, alors j'ouvre la bouche et je
tourne ma langue autour de celle de Norman. C'est pas terrible en fait,
j'ai horreur de çà, je me demande si au cinéma, ils font vraiment
des trucs pareils ou s'ils se mettent des bouches en plastique
c'est vraiment dégueu, et puis c'est dangereux tu peux te cogner les
dents et je parle pas des microbes. Norman a fini de faire son Rob Lowe alors il me lâche, j'ai plutôt mal au cœur et envie de
pleurer et pourtant toutes les autres filles me regardent avec envie.
So I
never gonna dance again/ The way I danced with you.
Je ne
danserai plus jamais/ Comme je dansais avec toi.
C'est
George Michael qui dit ça. Il me le dit à moi, parce qu'il sait que
Marc, je l'aime encore et que je peux embrasser tous les mecs de la
terre, j'aurais toujours envie de pleurer.
17h00 : la
boum est presque finie, Norman rigole avec ses potes. Je vois le petit diamant qui brille à son oreille. Il me regarde pas. Je
ramasse mon blouson Façonnable, j'ai un drôle de goût dans la
bouche. Ma mère vient me chercher en voiture, me demande pourquoi je
fais la tête. Je réponds rien, je pense au dimanche de merde qui va
suivre et aux maths qu'il va bien falloir faire.
Bisous
les gars
Isabelle
L'adolescence comme si on y était (encore!) pour le meilleur et pour le pire! Bravo!
RépondreSupprimerMerci Cécile ça m encourage !
RépondreSupprimer