Cher Toi
Journal, seul confident de ma vie pathétique
Je
m'aperçois que je parle de Marc, de Marc et encore de Marc mais que
je n'ai pas VRAIMENT parlé de lui, enfin de dire qui il est
exactement. En fait, je suis amoureuse de lui depuis toujours, enfin
depuis la sixième, on a toujours été dans la même classe jusqu'à
cette année (et l'Abominable Redoublement). Je me souviens très
bien, la première fois où je m'en suis aperçue, on était en cours
de musique avec la vieille prof qui a au moins cent ans et
on chantait en allemand avec l'assistant qui s'appelait Dieter comme
le mec dans mon livre d'allemand d'ailleurs, Dieter Schmitt qui a la
tronche carrée comme tous les autres gars du livre, putain je te
parle même pas de la gueule à Herr Neumann, c'est du gros délire,
il a un menton de deux kilomètres. L'allemand, ça nous gonfle tous,
on y comprend que d'alle et puis il faut cacher le dialogue du
bouquin pendant que la prof elle fait passer le son sur son
tondbandgerät, son magnétophone de l'espace là avec les
deux grosses bandes, et il faut deviner ce que disent les mecs avec
les tronches carrées et c'est une vraie salope, la prof, elle nous
prend les carnets si on essaye de tricher. Donc l'allemand, ça vaut
le coup que pour les assistants, ils s'appellent tous Dieter ou Georg
ou Ute et ils nous scient avec leurs sandales, leurs chaussettes et
leurs pulls tricotés par leur Oma je pense, et ils ont pas de
cils mais pleins de poils, ils sont mortels, on se marre bien avec
eux, ils nous refilent des badges “Nuklear, Nein Danke.” et
on parle français ou anglais avec mais jamais allemand . Et là,
Dieter il nous faisait chanter “Die Geige sie singet.”, en
canon, avec la prof au piano, et moi j'avais super honte de ma voix
parce qu'elle est très forte et les gens me disent tout le temps
“Chut” ou “Mais, t'es sourde tu t'entends pas.” et tout à
coup, je remarque la nuque du gars devant moi, c'était en septembre,
on avait chaud dans les préfabriqués, je vois juste son cou tout
bronzé et ses cheveux très bruns (j'aime pas les blonds sauf David
Bowie, je crois que je l'ai déjà dit) et là mon cœur s'est total
destroy dans ma poitrine, je l'ai senti, juste en voyant son cou,
j'ai su que c'était lui. J'imaginais ma main dans ses cheveux, en train de caresser l'arrière de son crâne, il avait les cheveux longs mais j'étais persuadée qu'il avait une jolie tête toute ronde, un peu comme les bébés. Après j'en ai rêvé pendant des semaines, qu'il venait me sauver, le collège était attaqué et il
venait me chercher parce que je m'étais cachée dans l'armoire. Ou
alors, çà c'était un de mes rêves préférés, j'avais plus
d'argent, j'étais à la rue et lui il fouillait toute la ville pour
venir me retrouver et je m'évanouissais de
faiblesse dans ses bras parce que j'avais rien mangé depuis des jours
et lui il était super heureux de me retrouver. Çà c'était mes rêves,
la réalité c'était bien plus pourri, il en avait rien à cirer de
moi, même il est sorti avec ma meilleure amie de la sixième qui
s'appelle Isabelle, comme moi. Ils se sont donnés rendez-vous un
samedi aux Chartreux devant Dany Coiffure pour aller au cinéma
ensemble, j'avais chopé un de leurs mots, j'en étais malade. Je
faisais le jeu à la con pour savoir notre pourcentage d'amour, avec
les lettres qu' on a en commun dans nos noms et prénoms mais c'était naze, on a plein de lettres dans nos noms tous les deux mais pas
les mêmes. Un jour, quelqu'un est allé lui dire que je l'aimais et
voilà, la super honte, pire que le jour où les gars de la classe
ont découvert des serviettes Nanas dans ma trousse Pierrot Love.
Bref, vous avez compris, j'en ai bavé pendant presque trois ans,
jusqu'à l'année dernière donc. A la boum de Marie-Pierre, on est
sorti ensemble. Il faut dire qu'entre temps, moi j'ai viré mes
tresses, j'ai commencé à me maquiller, à fumer des Royale Menthol
et à dire des gros mots, j 'ai parlé de ma poitrine donc j'y
reviendrai pas, mais bon on m'a regardée d'un autre oeil, j'ai
rencontré David Bowie et surtout je suis sortie avec un mec de
QUINZE ANS, une bête en latin il me faisait tous mes devoirs, que
j'ai largué pour Marc d'ailleurs, même qu'il était drôlement
malheureux. Et voilà, miracle, à cette Fabuleuse Boum du mois de
juin, Marc m'invite à danser un slow. Il est trop bien habillé
tee-shirt rouge pantalon jaune et une dent de requin autour du cou,
moi j'ai écouté ma mère, pour une fois c'était pas bidon son
avis, j'ai des sandales caramel à talons achetées en Italie, un
short et une chemise façon safari ou saharien je sais pas. J'ai les
jambes bronzées, les cheveux plus clairs, j'ai piqué la Terracotta maternelle, je sens Eau de Rochas et Marc me prend par le cou et
m'embrasse. Et le monde s'écroule, comme dans la chanson de Bonnie
Tyler “Every now and then, I fall apart.” et je me fous de
tout, du collège, de mes parents, du tondbangerat et des Nanas de la trousse Pierrot Love, il y a
plus rien qui compte que cet instant précis où il m'embrasse, parce
que je l' ai tellement attendu. Et le temps s'arrête, je revois sa
nuque brune et sa tête ronde qui se penche pendant le cours de musique et JE SAIS, JE SAIS tellement
que je l'aimerai toute ma vie .
to be continued
Il est beau mais, maintenant, qui fait tes versions latines, hein ?
RépondreSupprimerOn a toutes largué le fort en thème pour le BG a la dent de requin...
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